Mgr Claude Dagens : le « mariage homosexuel » ne peut pas être reconnu comme un vrai mariage

Depuis quelques mois, les déclarations des prélats catholiques et des représentants des grandes religions monothéistes, au sujet du mariage et de l’adoption pour les couples de même sexe, ce succèdent à un rythme effréné. Monseigneur Claude Dagens, Evêque d’Angoulême, vient de publier, sur son blog, un texte intitulé : l’homosexualité, le mariage homosexuel et l’Eglise catholique. Mais ce n’est pas un évêque comme les autres car il est membre de l’Académie Française où il a été reçu en 2009 pour siéger parmi ceux que l’on appelle « les immortels » et qui sont au nombre de 40.

L’HOMOSEXUALITÉ, LE MARIAGE HOMOSEXUEL ET L’ÉGLISE CATHOLIQUE
Texte de Mgr Dagens

Nous vivons actuellement une métamorphose accélérée de notre société, dont la « crise économique » est un symptôme très important et de plus en plus perceptible pour beaucoup de personnes. L’avenir nous échappe et nos sociétés sont affrontées à l’imprévisible. Comme tous les citoyens de notre pays, les catholiques français partagent ces incertitudes et cherchent non pas à y apporter des solutions techniques, mais à montrer que l’espérance qui vient du Christ est possible au milieu même de ce qui nous éprouve.

Voilà l’horizon de notre société, et nous aurions tort d’oublier cet horizon en nous laissant hypnotiser par tel ou tel problème particulier qui mobiliserait nos engagements et nos combats. C’est le cas lorsqu’il est question du projet de loi, encore partiellement défini, qui concerne le « mariage homosexuel ». Face aux questions posées par ce projet, il faut « raison garder » et surtout ne pas tout mélanger. C’est le but de ces réflexions qui se borneront à quelques distinctions qui me semblent utiles pour éviter les dérapages toujours possibles.

1 – L’homosexualité est un fait, inscrit dans l’histoire des cultures et des peuples, et surtout dans la vie, dans la chair, dans le cœur d’un certain nombre de personnes, des hommes et des femmes.

Ce fait a été longtemps caché. Il est aujourd’hui public, souvent banalisé, parfois exalté ou instrumentalisé.

Mais un écart certain existe entre des proclamations publiques qui appellent à la libération sexuelle et la façon dont les personnes vivent elles-mêmes leur vie homosexuelle. De même qu’il existe des formes très diverses d’homosexualité, de même il existe des façons très diverses de vivre l’homosexualité. Certaines personnes la vivent avec un sentiment très fort de culpabilité, d’autres la vivent comme une différence libératrice.

Peut-être faudrait-il faire très attention à l’emploi du terme homosexuel. Ce terme est devenu banal. Il ne l’est pas toujours pour les personnes qu’il concerne, et qui n’aiment pas être réduites à ce qualificatif. Faudrait-il rappeler qu’une personne humaine dépasse tout ce qui peut la caractériser et que précisément, le mystère d’une personne, c’est ce qui est au-delà ou en deçà de tel ou tel de ces caractères particuliers ?

Les homosexuels sont avant tout des personnes humaines, et qui demandent à être respectées pour leur humanité.

2 – La discrimination à l’égard des personnes homosexuelles est aussi un fait, aussi bien dans la société que dans l’Église. Et les discours publics n’empêchent malheureusement pas que cette discrimination soit pratiquée très fréquemment, soit à travers des appellations méprisantes, soit à travers des attitudes et des actes de rejet.

Là encore se vérifie la distance entre les apparences et la réalité. Bien entendu, la banalisation et parfois l’éloge de l’homosexualité répond à ce tabou qui a pesé sur elle, durant des siècles, et il faudrait rappeler que ce tabou venait d’une morale bourgeoise et puritaine encore plus que de la morale chrétienne. Lisez à ce sujet François MAURIAC, et lisez aussi Jean-Claude GUILLEBAUD dans son étude si éclairante sur La tyrannie du plaisir !

Mais il faut reconnaître que cette discrimination à l’égard des homosexuels continue de se manifester sous des formes multiples qui vont de l’exclusion pure et simple à des attitudes faites de soupçon et de mépris.

3 – L’attention se concentre aujourd’hui sur le mariage homosexuel, vers lequel convergent toutes les requêtes et tous les ressentiments concernant l’homosexualité.

Mais ce projet de loi ne saurait faire oublier l’essentiel : il s’agit du mariage en tant qu’il est constitutif de la vie de notre société et en tant qu’il engage la relation durable d’un homme et d’une femme qui s’aiment et qui choisissent de s’engager dans une existence commune et de donner la vie à des enfants.

Faut-il, là encore, faire une loi nouvelle ? Quel est donc cet État qui veut intervenir dans la vie des personnes et les inscrire dans un ordre qui va exiger une modification du code civil ?

Comment est-il possible de mélanger à ce point des problèmes de droit, des réalités anthropologiques et des valeurs morales ? Faut-il encore favoriser des processus de dérégulation dans une société « dérégulatrice », où tant de personnes, des enfants, des jeunes et des adultes, sont en quête de repères pour vivre humainement ?

Quant à l’Église catholique, comment pourrait-on s’étonner qu’elle demeure fidèle à ce qu’elle croit, non pas pour entraver le progrès des mœurs, mais pour défendre, contre vents et marées, la dignité des personnes ?

Et quand on nous reproche d’avoir peur de l’homosexualité, faut-il répondre à cette remarque idiote ? Faut-il rappeler que des chrétiens, des catholiques homosexuels sont parmi nous, dans nos familles, parmi nos amis, dans nos communautés paroissiales ? Faut-il citer l’ouvrage du Père Xavier THÉVENOT sur Homosexualités masculines et morale chrétienne (Paris, 1985) ou les témoignages recueillis par Claire LESEGRETAIN dans son livre sur Les chrétiens et l’homosexualité (Paris, 2004) ?

On devrait le savoir davantage : des hommes et des femmes homosexuels ont découvert Dieu et son Amour à travers ce qui marque leur existence. La « pastorale des homosexuels » existe et il faut la développer. Ce qu’elle implique va bien au-delà de ce « mariage homosexuel » que nous ne pouvons pas considérer comme une libération et que nous ne pouvons pas reconnaître comme un mariage.

Bien qu’il soit membre de l’Académie française, Monseigneur Claude Dagens semble oublier qu’il est avant tout prêtre et ,qu’à ce titre, il ne devrait pas intervenir dans les affaires de l’Etat, tout comme l’Etat n’intervient pas dans les affaires de l’Eglise.

Giuseppe Di Bella