«Mariage pour tous», deux ans après : plus de 17 500 unions célébrés en France

«Mariage pour tous», deux ans après : plus de 17 500 mariages entre personnes de même sexe ont été célébrés en France et l’apocalypse promise par l’opposition n’a toujours pas eu lieu 🙂

D’après l’Insee, entre la promulgation de la loi Taubira, en mai 2013 et la fin de 2014, 17 500 couples homosexuels se sont mariés – 7 500 la première année et 10 000 l’année suivante. Pour 2014, cela représente 4 % du nombre total des mariages en France (241 000). Ces chiffres sont marqués par un « effet de rattrapage » : certains couples, qui espéraient depuis longtemps se marier, se sont saisis rapidement de ce nouveau droit. Il est donc trop tôt pour savoir quel sera le « rythme de croisière » des mariages gays sur la durée et donc l’engouement réel des homosexuels pour cette forme d’union – certains couples étant favorables à la loi Taubira pour des raisons d’égalité, sans vouloir eux-mêmes se marier.

« Nous manquons encore d’outils d’analyse mais on peut faire l’hypothèse que certains couples se sont mariés pour pouvoir adopter, souligne Wilfried Rault, chercheur à l’Institut national d’études démographiques. Le mariage, poursuit le sociologue, offre aussi une forme de reconnaissance sociale aux couples de même sexe. »

L’Insee indique qu’en 2013, 59 % des couples homosexuels à se marier étaient masculins (54 % en 2014). Cela peut s’expliquer par le fait qu’en France, les couples d’hommes sont un peu plus nombreux que les couples de femmes. L’Insee précise aussi que les couples de même sexe se marient relativement tard : 43 ans pour les femmes et 50 ans pour les hommes, en moyenne, en 2013. Là encore, on peut y voir un effet de rattrapage : en 2014, la moyenne d’âge a baissé. Le ministère de la justice ne fournit pas, à ce jour, de chiffres sur les divorces entre couples de même sexe.

Les maires ont-ils appliqué la loi ?

Selon l’Insee, plus de 6 000 communes ont célébré au moins un mariage entre personnes homosexuelles. À ce stade, la propension à se marier dans les grandes villes est plus importante : ainsi, en 2013, 23 % des mariages gays ont été célébrés dans des villes de plus de 200 000 habitants (contre 9 % des mariages entre personnes de sexe différent).

En dépit des protestations durant les débats parlementaires, notamment du « collectif des maires pour l’enfance », rares sont finalement les édiles à s’être effectivement opposé aux unions homosexuelles dans leur commune. « Les maires ont appliqué la loi, note-t-on à l’Association des maires de France. Ils sont agents de l’État, républicains et légalistes. »

Quant aux sanctions pénales, elles ne sont pas négligeables : cinq ans de prison et 75 000 € d’amende. Ainsi même les plus jusqu’au-boutistes, comme Jean-Michel Colo, le maire d’Arcangues (Pyrénées-Atlantiques) ou Marie-Claude Bompart, à Bollène (Vaucluse), ont fini par céder après un dépôt de plainte, laissant un de leurs adjoints opérer.

Qu’en est-il des adoptions ?

Peu de chiffres globaux sont disponibles. À la Chancellerie, on fait valoir que les statistiques ne font pas de distinction entre couples adoptants. On peut toutefois se référer à une note de juillet 2014 qui concerne les adoptions intraconjugales des enfants nés par procréation médicalement assistée (PMA) à l’étranger. Selon ce bilan, 721 demandes ont été déposées. Sur les 295 décisions rendues au 17 juillet 2014, 281 jugements ont validé l’adoption (254 adoptions plénières, 27 adoptions simples). Seules neuf décisions ont été négatives. En d’autres termes, dans 95 % des cas, les couples de femmes ont obtenu l’adoption par leur conjointe de l’enfant né par PMA.

La PMA étant interdite en France aux couples de même sexe, quelques rares tribunaux, comme ceux de Versailles ou d’Aix-en-Provence, se sont opposés à l’adoption au motif que la loi avait été contournée. La Cour de cassation a clarifié la jurisprudence dans deux avis, estimant que « le recours à l’assistance médicale à la procréation ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption ». Dans les deux juridictions citées, les adoptions viennent d’être prononcées en appel.

La loi Taubira permet également aux couples de même sexe d’adopter conjointement à l’international. Toutefois, « même le Quai d’Orsay nous dit qu’il n’y a pas d’espoir ! », relève l’avocat spécialiste Florent Berdeaux-Gacogne. Non seulement l’adoption internationale est en chute libre, mais certains pays la ferment spécifiquement aux couples homosexuels, comme la Russie ou la République démocratique du Congo. Certains préfèrent donc engager des procédures en célibataire, puis demander l’adoption par le conjoint.

PMA, GPA, où en est-on ?

En matière de procréation artificielle, la loi française n’a pas bougé : la PMA n’est ouverte qu’aux couples hétérosexuels infertiles et la gestation pour autrui (GPA) reste interdite. « Personne, au sein des associations, ne s’attend à une évolution législative dans le courant du quinquennat », reconnaît Me Florent Berdeaux-Gacogne, très proche de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens. Échaudés par les protestations de 2013, ni François Hollande, ni Manuel Valls n’ont envie de donner du grain à moudre à la Manif pour tous.

Pour autant, les partisans d’une ouverture des techniques médicales de procréation aux couples homosexuels ont gagné des points sur le terrain judiciaire, ce qui pourrait à terme fragiliser les interdictions françaises. Côté GPA, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour son refus de transcrire les actes d’état civil des enfants nés d’une mère porteuse à l’étranger ; côté PMA, on l’a vu, la justice prononce des adoptions même lorsque le mode de conception de l’enfant constitue une violation de la loi. « Plus ces situations seront nombreuses et banales, plus l’interdiction de la PMA et de la GPA semblera inappropriée », prévoit Florent Berdeaux-Gacogne.

Que reste-il du mouvement de contestation ?

Lors de sa dernière manifestation organisée à Paris, la Manif pour tous, mouvement né de l’opposition au mariage gay, a rassemblé 70 000 personnes selon la police, 500 000 selon les organisateurs. « Bien sûr, on n’est plus à l’époque où il suffisait de claquer des doigts pour rassembler 3 000 personnes dans le quart d’heure », concède Albéric Dumont, porte-parole. Il n’empêche : la Manif pour tous garde une capacité de pression sur le gouvernement. Deux jours avant ce rassemblement, le premier ministre Manuel Valls affichait ainsi une opposition ferme à la GPA.

« Nous restons très mobilisés sur cette question à travers la plate-forme européenne No maternity traffic, souligne Albéric Dumont. Notre raison d’être reste l’abrogation de la loi Taubira. » D’autres mouvements, en revanche, ne font plus beaucoup parler d’eux. C’est le cas des Veilleurs ou de « l’avenir pour tous », le mouvement fondé par l’ex-égérie de la Manif pour tous, Frigide Barjot.

MARINE LAMOUREUX