Mariage pour tous : Des sénateurs veulent donner une autre image des outre-mer sur le mariage gay

Les sénateurs ultramarins sont très divisés sur la question du mariage gay, comme l’ont été leurs collègues députés, mais le débat devrait permettre des prises de positions marquantes en faveur du texte pour contrebalancer l’image conservatrice des outre-mer laissée par la discussion à l’Assemblée.

Les réticences dans les outre-mer avaient été l’un des arguments avancés par l’opposition pour demander le rejet du texte. Et l’intervention à la tribune du député de la majorité Bruno Nestor Azérot (GDR, Martinique), parlant des “coutumes et valeurs des sociétés ultramarines” incompatibles avec ce projet, avait été applaudie par la droite et utilisée par Frigide Barjot, porte-étendard de la Manif pour tous.

“Nous sommes trois ultramarins inscrits pour la discussion générale afin de défendre le texte et donner une autre image des outre-mer”, déclare Serge Larcher (app. PS, Martinique). Jean-Etienne Antoinette (app. PS, Guyane) compte lui aussi “démonter les contre-vérités historiques dites sur les outre-mer” à la tribune, de même que Thani Mohamed Soilihi (PS, Mayotte).

Le jeune sénateur de 40 ans de ce département musulman à 95% se dit “ulcéré” par ce qu’il a entendu depuis le début du débat. “Dans un pays laïc, le mariage est un contrat entre deux personnes, cela ne va rien bouleverser de nos coutumes et de nos traditions!”, dit-il, ajoutant: “Jamais on ne demandera aux religieux de marier deux personnes de même sexe! Ces arguments fallacieux continuent à tromper les gens et c’est pour cela que je veux prendre position et lutter”.

“Compte tenu de notre histoire, notre combat principal a toujours été l’égalité des droits”, a expliqué Serge Larcher, président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, “comment refuser à d’autres cette égalité des droits ?”

D’autant, renchérit Jean-Etienne Antoinette, qu””ici, le droit suit la réalité, il ne la crée pas: l’homosexualité existe outre-mer et le mariage pour tous est une revendication encore plus forte qu’il existe une forme d’ostracisme”.

Une situation en partie due à l’insularité de nombreux territoires et à l’importance du fait religieux. “Nous les DOM avons vécu en vase clos pendant longtemps, avec le poids des principes, des préjugés, des interdits distillés par la famille et la religion… avec beaucoup d’amour”, souligne Michel Vergoz (PS, La Réunion).

“Lorsque la société s’occupe des minorités, la démocratie s’honore, se cimente et se fortifie”, affirme le maire de Sainte-Rose qui se remémore des “amis qui se sont expatriés dans l’Hexagone dans les années 80 parce qu’ils ne pouvaient assumer leur homosexualité dans l’île”.

“Le rôle de l’élu est d’éclairer le chemin et de faire avancer les problèmes sociétaux”, a estimé Serge Larcher, qui n’ignore pas que dans sa Martinique comme en Guadeloupe, “les sondages montrent que le deux îles sont plutôt contre le projet”.

Sur les 21 sénateurs d’outre-mer, 12 sont de gauche et avaient contribué à faire basculer le Sénat à gauche en septembre 2011, notamment grâce aux élus antillais. Si ceux de Martinique et Guyane soutiennent le texte, les trois sénateurs de Guadeloupe se sont publiquement exprimés contre. Au groupe PS du Sénat, on considère “qu’au pire , ils s’abstiendront”.

Autre défection attendue, celle du polynésien Richard Tuheiava (app. PS) qui en a informé le groupe socialiste. Il a indiqué à l’AFP vouloir voter contre mais étant propulsé en tête d’une section du parti indépendantiste d’Oscar Temaru pour les élections territoriales du 21 avril, il risque d’être retenu en Polynésie pour faire campagne.

Du côté des 9 sénateurs de droite, tous sont contre (Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, etc.) à l’exception notable de la sénatrice UMP de La Réunion Jacqueline Farreyrol, qui votera pour.