Mariage homosexuel Le prochain président américain pourra refaçonner la Cour suprême

Le prochain locataire de la Maison Blanche, que ce soit l’actuel occupant des lieux Barack Obama ou son adversaire républicain Mitt Romney, a toutes les chances de refaçonner la majorité à la Cour suprême, qui fait la pluie et le beau temps sur la société américaine.

La haute Cour s’apprête à trancher sur la réforme de l’assurance-maladie chère au président Obama, et par le passé, c’est aussi elle qui a mis fin à la ségrégation raciale, ou qui a rétabli la peine de mort ou autorisé le port d’armes. Elle devra sans doute l’an prochain se prononcer sur le mariage homosexuel.

Dans une cour aujourd’hui à majorité conservatrice, trois des neuf juges auront 80 ans avant la fin du prochain mandat présidentiel, début 2017 – une progressiste et deux juges nommés par des présidents républicains.

“Le président Jefferson a dit: ‘le problème avec la Cour suprême c’est qu’ils ne prennent jamais leur retraite et qu’ils ne meurent que rarement'”, ironise, dans un entretien exclusif accordé à l’AFP, l’un des neuf sages, Stephen Breyer.

“On est nommé ici pour la vie”, souligne le haut magistrat de 73 ans, choisi par le président démocrate Bill Clinton en 1994.

Si un seul des trois juges les plus âgés décide de partir à la retraite, son remplacement par un juge du camp adverse pourrait faire basculer la majorité de la Cour et, du coup, affecter ses décisions pour longtemps.

“Les juges ont tendance à se retirer stratégiquement pour permettre aux présidents qui ont leur sympathie idéologiquement de nommer leurs successeurs”, écrit Tom Goldstein, grand expert de la Cour suprême, sur le blog spécialisé Scotusblog.com.

Actuellement, “la Cour suprême est profondément polarisée et sa majorité conservatrice de 5 juges contre 4 joue un rôle déterminant sur la plupart (mais pas la totalité) des décisions controversées”, explique Thomas Mann, analyste à l’institut Brookings: “Si Romney gagne, cette majorité conservatrice pourrait bien maintenir son influence pendant des décennies”.

“Tout dépend de qui est nommé”

Les candidats eux-mêmes ne s’y trompent pas. “Dans un second mandat, il (Barack Obama) refaçonnerait (la Cour suprême)”, a ainsi déclaré Mitt Romney devant des défenseurs du port d’armes, mettant en garde contre une “cour Obama (…) non seulement pour les quatre prochaines années mais pour les 40 ans à venir”.

Plaidant pour son mari, la Première dame Michelle Obama avait aussi rappelé en meeting en avril “l’impact que les décisions de la Cour aurait sur nos vies pour les décennies à venir, sur notre vie privée et notre sécurité (…)”. “Ce sont les choix qui s’imposent à nous dans cette élection”, avait-elle martelé, rappelant que son époux avait déjà nommé deux femmes à la haute Cour.

C’est la juge progressiste Ruth Ginsburg qui, après deux opérations pour un cancer, devrait se retirer la première. Nommée par Bill Clinton en 1993, elle “a envoyé des signaux qui correspondent à une retraite probable” en 2015, relève Tom Goldstein. Elle aura alors 82 ans.

Le très conservateur Antonin Scalia, 76 ans, pourrait aussi être dans les starting blocks, mais seulement si Romney est élu. Quant à Anthony Kennedy, également nommé par un président républicain et âgé de 75 ans, c’est “le juge le plus puissant car c’est lui qui fait la majorité de cinq voix” et “si Obama est amené à le remplacer, cela serait très important”, souligne Clyde Wilcox, professeur à l’université de Georgetown.

Mais “tout dépend de qui est nommé, ce n’est pas parce qu’Obama nomme quelqu’un qu’il sera automatiquement confirmé” par le Congrès, observe l’expert, qui estime qu’il y a “de bonnes chances que les républicains bloquent la nomination de juges progressistes à la Cour suprême”.