Malawi Le combat sera encore long pour abroger les lois anti-gay

Les militants LGBT au Malawi estiment qu’il sera dur d’obtenir l’abrogation totale des lois interdisant les relations homosexuelles dans ce pays, après la décision du gouvernement malawite de les suspendre, l’homosexualité restant très mal considérée.

“La culture du Malawi reste conservatrice”, souligne Billy Mayaya, un militant des droits de l’Homme, interrogé par l’AFP après l’annonce par le gouvernement de la présidente Joyce Banda de la suspension des sévères lois anti-gay, en attendant un débat parlementaire.

Comme 38 pays d’Afrique, le Malawi interdit l’homosexualité, son code pénal la classifiant sous la rubrique “pratiques indécentes et actes contre nature”, et la sodomie est passible d’une peine de quatorze ans de travaux forcés. Les lesbiennes n’encourent que cinq ans.

Ces lois ont provoqué l’ire de grands pays occidentaux, bailleurs de fonds du Malawi.

Même s’il est bien sûr satisfait de la décision du gouvernement, M. Mayaya remarque qu'”on sait à l’avance que le Parlement du Malawi n’abrogera jamais les lois contre la sodomie”.

“Ce sera une bataille difficile à cause de l’attitude conservatrice de la société malawite, qui considère toujours l’homosexualité comme un péché.”

Selon un sondage publié par la presse locale, 96% des Malawites pensent que le pays ne devrait pas permettre des relations homosexuelles.

Le statu quo est notamment défendu par les Eglises protestantes du pays, majoritaires. “Avoir une orientation sexuelle n’est pas un péché, mais la mettre en pratique est un péché”, a expliqué à l’AFP Canaan Phiri, du Conseil des Eglises du Malawi.

“L’homosexualité est un péché!”

Le Malawi s’était attiré les foudres de la communauté internationale en 2010 après la condamnation à une peine de prison d’un couple gay qui s’était symboliquement marié.

Le président Bingu wa Mutharika – disparu en avril – avait finalement gracié les deux jeunes hommes après cinq mois derrière les barreaux. Mais il avait comparé en mai 2011 les homosexuels à des chiens, et la télévision publique avait traité de “Gay Parade” les manifestations antigouvernementales qui ont tourné à l’émeute en juillet 2011, faisant 19 morts.

Il reste beaucoup à faire, selon Gift Trapence, l’un des meneurs du combat de la cause gay: “Le Malawi doit se débarrasser de tous les préjugés contre les homosexuels”, relève-t-il.

“Les gens ne sont pas assez informés sur les minorités sexuelles. Nous voulons que les parlementaires soient bien informés, afin qu’ils prennent leurs décisions en toute indépendance.”

Mais la façon de surmonter ces préjugés divise les militants. Selon Billy Mayaya, les défenseurs des droits de l’homme doivent modifier leur stratégie et “éduquer les masses sur la nécessité d’abroger les lois afin que les minorités sexuelles puissent jouir de leurs droits.”

“Les homosexuels eux-mêmes doivent expliquer leur situation au grand jour et ne pas se battre dans l’ombre”, ajoute-t-il.

La chercheuse et militante lesbienne Jessie Kabwila n’est pas d’accord, estimant que cela n’apporterait que du grain à moudre aux adversaires de la cause.

La question doit être “abordée d’une manière malawite et non en employant la façon occidentale de s’affirmer en tant que gay”, a-t-elle déclaré lors d’un débat récent.

En sortant au grand jour, “cela donne un avantage aux adversaires, car on leur fournit une cible sur qui frapper”, selon elle.

Des groupes de défense des droits de l’homme placent leurs espoirs dans le gouvernement, et en particulier dans la présidente Joyce Banda, qui a exprimé sa volonté de voir abroger les lois anti-gay depuis son arrivée au pouvoir en
avril.

“Nous exhortons le gouvernement à ne pas perdre son élan sur cette question fondamentale des droits de l’homme et à veiller à l’abrogation complète de ces lois discriminatoires et haineuses”, a déclaré Noel Kututwa, directeur d’Amnesty International pour l’Afrique australe.