« Ma position n’a pas varié » : mensonges à l’UMP sur le mariage gay

La primaire ouverte de l’UMP pour la désignation du candidat aux municipales à Paris semble partie pour être un fiasco équivalent à l’élection de son président. La faute au mariage gay.

La machine semblait pourtant bien huilée : après le retrait de Rachida Dati, le 23 avril, il ne faisait plus de doute que Nathalie Kosciusko-Morizet, grande favorite, devait l’emporter dès le premier tour. C’était sans compter l’impact du débat sur le mariage homo, devenu depuis la réussite de la Manif pour tous un acteur de cette primaire.

« Si elle perd cette primaire, cela voudra dire qu’un noyau dur s’est organisé et ce sera un vrai problème pour le parti », nous confiait la semaine dernière un proche de NKM. Certains n’hésitent plus à dire que ce serait le détonateur d’une explosion du grand parti de la droite.
Plus il y aura de votants, plus NKM a de chances

Alors que Minute, l’hebdomadaire d’extrême droite, appelle carrément à « se payer NKM pour 3 euros », la Manif pour tous ne prend officiellement position pour personne. Ludovine de la Rochère, sa présidente, nous assure que son classement des candidats à la primaire parisienne n’est que « factuel », malgré les couleurs laissant penser à un feu rouge/orange/vert. Elle précise : « J’espère que notre mouvement pèsera, mais on restera apolitique. On dit qui a pris position pour quoi sur la loi Taubira, aux électeurs d’en tirer les conséquences. »

Quel sera le poids de ce mouvement dans le scrutin qui s’ouvre ce vendredi soir et se clôt lundi ? Impossible de le savoir tant qu’on ne connaît pas le corps électoral.

Avec 18 000 votants inscrits ce jeudi 30 mai, sur 28 000 adhérents, la fédération UMP n’a même pas fait le plein chez les siens. Elle espérait 30 à 50 000 votants…

En décidant qu’il serait possible de s’inscrire jusqu’à la dernière minute de la primaire, malgré l’opposition de trois candidats sur quatre, l’UMP tente d’augmenter le nombre de participants. Franck Margain, vice-président du parti chrétien-démocrate de Christine Boutin, y voit un soutien à NKM :

« Si le nombre de votants passe la barre des 25 000 votants, elle a des chances d’être élue au premier tour. »

Legaret et la « campagne de calomnie »

Jugé favori pour être présent en cas de second tour, Jean-François Legaret sort de ses gonds en cette fin de campagne.

« @ClaudeGoasgen est une grande gueule je lui demande de la fermer jusqu’à la fin de la campagne #Paris2014. »

Elu à Paris depuis 1983, et maire du Ier arrondissement de Paris depuis 2001, celui qui bénéficierait du soutien des réseaux Tiberi a pris la tête d’une campagne sur les soupçons de fraude. Il affirme que le fichier des inscriptions a été piraté, et porte plainte pour faux et usage de faux au pénal.

Ce qui l’a fait sortir de ses gonds, c’est la « campagne de calomnie » dont il se dit victime au sujet de ses positions sur le mariage gay. Suite à la diffusion d’une vidéo où on le voit, en 2007, célébrer les cinq ans de l’association LGBT GayLib, il a été obligé de faire cette mise au point :

« Je n’ai jamais adhéré à GayLib […]. Ce mouvement faisait à l’époque partie de l’UMP et était contre le mariage homosexuel. Ma position n’a pas varié et je reste farouchement opposé au mariage homosexuel. »

Souci de sincérité

Pour la présidente de GayLib, Catherine Michaud, la position du maire du Ier arrondissement « interroge » :

« Pendant longtemps, comme Sarkozy, il a été proche des mouvements LGBT, soutenant nos revendications, pour une union civile égale en tous points au mariage et un statut du beau-parent. Quand je l’ai vu à la Manif pour tous, je me suis dit : avec qui est-il sincère ?

En 2007, il fallait se montrer gay-friendly, mais en 2013, il faut aller dans le sens de la machine UMP, et surenchérir dans la dérive droitière. »

Même souci de sincérité, ajouté à un souci de mémoire en ce qui concerne la position de Pierre-Yves Bournazel, autre candidat à la primaire. Lors d’un débat à Sciences Po en 2011 organisé par le collectif des associations étudiantes LGBT d’Ile-de-France (Caélif), dont on vient d’exhumer la vidéo (à 74’’) du débat, l’élu parisien était très clair :

« Je suis pour l’égalité des droits et je suis pour le mariage homosexuel. Je crois que la conception traditionnelle de la famille est en train de s’effondrer. […] Sur l’adoption aussi, je vais plus loin que ma famille politique. La question de l’égalité des droits fait que je suis favorable à l’adoption. Il faut poser le sujet sur la table. »

Pourtant, le même nous affirme aujourd’hui :

« Je n’ai jamais changé d’avis sur le mariage gay. En 2011, j’ai voté un vœu au Conseil de Paris demandant l’égalité des droits, mais à l’époque on ne parlait pas d’adoption, il s’agissait d’union civile ou de mariage, peu importe.

Certains jouent sur les mots et les dates. En décembre 2012, je n’ai pas voté le vœu soutenant le mariage pour tous, car entre temps Hollande avait été élu et on est passé du mariage sans adoption au mariage avec adoption. »

Trop jeune pour jouer le rassembleur

Ce changement de position est habilement exploité par la favorite, qui lui a reproché lundi lors du débat télévisé :

« Tu as le droit de changer d’avis. Mais ce qui me choque, c’est qu’on mente aux Parisiennes et aux Parisiens. »

Le porte-parole de NKM, Vincent Roger, élu dans le IVe, lance carrément :

« On pourrait écrire un livre à partir des changements d’avis de ce garçon, qui a passé quatre ans à dire que la droite parisienne était ringarde, a appelé à une alliance avec les Verts, s’est dit favorable au vote des immigrés, au mariage gay, a pris position contre son groupe sur les voies sur berges, se présentait comme “bobo de droite”, et maintenant est le candidat de la Droite forte et contre la loi Taubira… Difficile à suivre ! »

La position de « rassembleur » que tente d’incarner Bournazel dans la tempête de cette fin de campagne est une « posture qui ne sied pas à son âge [35 ans] », selon Franck Margain :

« C’est comme si vous vous habillez avec une robe de chez Dior alors que vous avez 25 ans. »

Et si les candidats, pour cette fin de campagne, parlaient d’autre chose ? C’est la présidente de GayLib qui le suggère :

« La primaire ouverte à droite pour la mairie de Paris ne doit pas se cristalliser sur ce sujet, les Parisiens sont aussi intéressés par les transports, le logement, la sécurité, le Grand Paris… Le mariage gay, on ne demande pas au maire de Paris de l’apprécier, mais de l’appliquer en tant qu’officier d’état civil. »

http://www.rue89.com/2013/05/30/position-na-varie-mensonges-a-lump-mariage-gay-242826