L’édito d’Audrey Pulvar : égaux,ni moins ni plus

Un moment d’absolue vérité. Rien de moins. Le jour où chacun, face à son psychisme, ses peurs, fantasmes et legs, doit se montrer vrai. Face à face avec soi-même. Qui est cet autre qui me regarde droit dans les yeux ? Prendre le temps de descendre en soi, celui de l’honnêteté maximale. Répondre, en remontant à la surface, à une question, la seule qui vaille : aujourd’hui, moi qui me regarde dans ce miroir, considéré-je l’homosexualité comme normale ou déviante ? Ni faux-fuyants, ni politiquement correct, ni suivisme, ni résignation, mais la vérité de soi. Oser l’affronter. Être homosexuel, est-ce “en mon âme et conscience” pareil qu’être hétérosexuel ou, au fond de moi, n’est-ce que “quelque chose” dont je m’accommode, que je tolère ? Oui ou non, hétéros et homos sont-ils égaux en droits et en devoirs ? Ni moins, ni plus.

Avis aux élus de droite et de gauche qui s’élèvent aujourd’hui contre ce qu’ils considèrent comme une menace pour la cohésion nationale. Au bout du compte, vos cache-sexes ne trompent que vous. Ainsi de ce maire estimant à propos du mariage de personnes de même sexe que “moralement, anatomiquement, physiologiquement, c’est contre nature”, comme un aveu de son hideuse curiosité pour la façon dont “ces gens-là” “le” font. Monsieur le maire vérifie-t-il avant de les marier que de futurs époux hétéros soient anatomiquement compatibles ?

Ainsi encore de cette élue de gauche déclarant “nous ne sommes pas là pour satisfaire les désirs individuels d’enfants” à propos des homosexuels désirant devenir parents. On se félicite à la place de cette dame que des hommes et des femmes se soient battus pendant des siècles pour le droit des femmes à s’approprier leur corps, lequel combat de très longue haleine permit en 1967 puis 1975 l’accès à la contraception et à l’IVG, et le slogan “un enfant si je veux, quand je veux”. On se félicite à sa place que chercheurs et médecins n’aient pas tenu le même raisonnement au moment d’inventer les techniques qui aident des parents en désir individuel d’enfants à concrétiser ce rêve.

On ne reviendra pas sur les excès de certains assimilant homosexualité à pédophilie, homosexualité à zoophilie, ou les nouveaux droits accordés aux homosexuels à une légalisation de l’inceste et de la polygamie : ceux-là se disqualifient d’eux-mêmes.

Quant à ceux qui brandissent “l’institution du mariage”, ce “fondement de notre société républicaine”, le lieu où naît la famille, nous dit-on, tous ces croisés de l’union sacrée d’un homme et d’une femme vivent-ils seulement dans ce pays, la France, où plus d’un mariage sur deux (y compris ceux contractés à l’église) se termine par un divorce ? Ce pays où les naissances hors mariage dépassent les naissances au sein des couples mariés ? Ce pays qui compte plus d’1,5 million de mères célibataires et 2 millions de familles monoparentales ? Citoyens de seconde zone ? Mauvais compagnons et mauvais parents du seul fait qu’ils ne sont pas mariés ? Ne gravons pas nos noms au bas d’un parchemin. “Le réactionnaire, c’est celui qui ne pense pas à l’enfant”, écrit Bernard Poignant, proche de François Hollande, maire de Quimper, exaspéré par “les associations LGBT, ces petits groupes de trois fois rien”. On attend donc de savoir quelles mesures urgentes il a conseillées à son président d’ami concernant les 50 000 cas de maltraitance sur enfants survenant chaque année en France. Des enfants pourtant élevés par des parents tout ce qu’il y a de plus hétéros.

On se permettra de l’inciter, lui et ceux des élus ou ministres de gauche pas tout à fait à l’aise avec l’homoparentalité, à se pencher sur les difficultés mises sur le chemin des homosexuels parents, sur le temps qu’il faut pour que leurs enfants désirés voient le jour – d’une façon ou d’une autre –, la pression de l’entourage, les questions que peut se poser un parent homosexuel sur le développement de son enfant.

Non, un couple homosexuel ne se “commande” pas un enfant sur un claquement de doigts. Oui, être homosexuel et parent est difficile, complexe, courageux. Et non, des enfants de couples homos ne grandissent pas plus homosexuels que des enfants de couples hétéros ! Comme si on avait la sexualité de ses parents, comme si une relation sexuelle consentie n’était pas une affaire qui ne regarde que les êtres qu’elle met aux prises, la rencontre d’inconscients, de pulsions, d’histoires personnelles, de vécus, au cœur de laquelle ni le législateur, ni le religieux n’ont leur place. Comme si faire l’amour était autre chose que la nudité totale de soi face à l’altérité. Tous égaux devant cela.

Source : http://www.lesinrocks.com/2012/11/06/actualite/ledito-daudrey-pulvar-egauxnimoinsniplus-11320625/