Japon : des militants saisissent la Cour suprême après un revers sur le mariage égalitaire

Des couples et militants LGBT+ ont saisi mercredi 3 décembre la Cour suprême du Japon pour qu’elle juge inconstitutionnelle l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe, quelques jours après une décision défavorable de la Haute Cour de Tokyo. Cette démarche marque une nouvelle étape dans un long bras de fer judiciaire qui mobilise depuis plusieurs années des couples LGBTQIA+ à travers l’archipel.

Vendredi dernier, la juridiction d’appel de Tokyo avait en effet estimé que la législation actuelle, qui limite le mariage à un homme et une femme, ne contrevient pas à la Constitution de 1947. Le verdict a surpris et déçu les plaignants, d’autant que la plupart des hautes cours saisies jusqu’ici, notamment à Sapporo, Fukuoka ou Nagoya, avaient au contraire jugé l’interdiction du mariage égalitaire incompatible avec les principes d’égalité et de dignité individuelle garantis par la loi fondamentale.

Réunis dans la capitale, des couples de même sexe venus de plusieurs régions ont remis une lettre à la Cour suprême, lui demandant « d’exercer pleinement son rôle de garante des droits humains ». « Je suis profondément choqué par la décision de la cour d’appel », a déclaré l’un des plaignants, Shinya Yamagata. « Jamais je n’aurais imaginé que la justice puisse confirmer une discrimination aussi flagrante. »

Pour de nombreux couples, l’absence de reconnaissance légale ne se limite pas à un symbole : elle complique l’accès aux droits familiaux, aux démarches administratives, à la parentalité ou à des situations aussi essentielles que les décisions médicales. Haru Ono, également plaignante, a rappelé avoir élevé trois enfants avec sa partenaire pendant vingt ans, « tout en affrontant des obstacles que les couples hétérosexuels n’ont jamais à se poser ».

Le Japon reste la seule nation du G7 à ne reconnaître ni le mariage entre personnes de même sexe ni une union civile nationale. Faute de cadre légal, plus de 300 municipalités délivrent désormais des certificats de partenariat permettant d’accéder à certains droits limités, notamment dans le logement ou les hôpitaux. Ces dispositifs locaux, bien que salués comme des avancées pratiques, ne remplacent pas un statut matrimonial complet ni une protection uniforme sur l’ensemble du territoire.

Malgré un soutien croissant de l’opinion publique, régulièrement mis en évidence par les sondages, la perspective d’une réforme législative demeure incertaine. Le Parti libéral-démocrate (PLD), au pouvoir, continue de défendre une conception traditionnelle de la famille. La nouvelle Première ministre, Sanae Takaichi, a d’ailleurs réaffirmé son opposition au mariage pour tous, une position qui crée un décalage croissant avec une société japonaise plus ouverte et avec les standards internationaux.

Les militants espèrent désormais que la Cour suprême prendra une position claire sur l’interprétation de la Constitution, dont l’article 24 précise que le mariage repose sur « le consentement mutuel des deux sexes », mais affirme aussi que toutes les personnes sont égales devant la loi. Son futur arrêt pourrait constituer un tournant décisif dans l’évolution des droits LGBTQIA+ au Japon.

La haute juridiction n’a pas encore annoncé de calendrier pour examiner les recours, mais sa décision est très attendue : elle pourrait soit conforter le statu quo, soit ouvrir la voie à une reconnaissance historique du mariage égalitaire dans l’un des derniers pays industrialisés à s’y opposer.