Homosexualité au lycée : la fin d’un tabou ?

REPORTAGE | L’association Le MAG organise depuis 8 ans des rencontres entre de jeunes homosexuels hommes et femmes et des lycéens. Ensemble, ils parlent d’identité sexuelle et d’homophobie, parce que cette dernière existe aussi chez les jeunes. Encore plus ces derniers mois entre les manifs contre le mariage gay et les rumeurs sur la “Théorie du genre” enseignée à l’école. Rencontre entre deux jeunes homosexuels et deux classes d’un lycée du Val-de-Marne.

Adrien a 15 ans, une chemise impeccable et un avis bien tranché sur l’homosexualité. “Un homme est fait pour avoir des rapports sexuels avec une femme“.

Dans l’auditorium de ce lycée du Val-de-Marne, les jeunes entre 15 et 17 s’expriment, débattent. Ils sont une soixantaine de garçons et de filles face à Arthur et Marie, à peine plus âgés. Ces deux jeunes homosexuels sont bénévoles au Mag (mouvement d’affirmation des jeunes LGBT).

Discuter avec ces jeunes sans crainte et sans tabou

Ils sont venus dans ce lycée, pour discuter avec ces jeunes sans crainte et sans tabou. Cette association existe depuis 8 ans et intervient dans de nombreux collèges et lycées. L’idée et de faire circuler la parole et toutes les opinions. “Moi si j’étais homosexuelle je le dirais haut et fort”, affirme sans hésiter une jeune fille au regard souligné au crayon noir.

Marie, comme d’autres mebres du Mag, parle librement de ses choix de coming out de mariage et de religion. Elle parle aussi avec humour de la lesbienne camionneuse et du jeune gay ultra efféminé des stéréotypes qui ont la vie dure. Elle se rend auprès des jeunes pour les faire disparaître, elle se tient là, en face d’eux. Elle est lesbienne et ne ressemble à aucune de ces caricatures comme les lycéens peuvent le constater.
Un isolement qui peut conduire au suicide

Dans la salle, il y a un grand lycéen au regard un peu triste. Il se tient à l’écart des autres, le visage mangé par une mèche de cheveux. “On n’a pas le droit d’être nous même, confie-t-il en aparté, enfin, précise t-il, je parle des gens qui sont homosexuels”. Sans oser avouer qu’il est gay, il raconte les insultes, les brimades en douce et les mises à l’écart.

Un isolement qui pousse certains jeunes ados et homos jusqu’à la dépression voire au suicide. En rencontrant des jeunes bénévoles du Mag qui sont “comme eux”, ces jeunes lycéens peuvent parfois se confier et rompre cet isolement.

Une jeune fille très mince au visage parsemé de tâches de rousseurs parle avec retenue de sa sœur jumelle. Sa voix timide mais son soutien est sans faille : “Ma sœur devrait le dire à nos parents à ses amis. Elle se sentirait mieux. Elle a le droit d’être amoureuse.”

Il y a 15 ans, parler d’homosexualité à des élèves, c’était un scandale” (Une professeur de Français)

La professeur de français assiste aux échanges. Pour elle, malgré tout, les choses vont dans le bon sens. Il y a 15 ans quand elle a commencé à enseigner, parler d’homosexualité à des élèves était presque un scandale. Aujourd’hui, les élèves acceptent ces amoureux et ces amoureuses. Désormais dans les allées, sur les bancs en pierre du lycée, des jeunes filles osent se tenir la main et parfois même s’embrasser.

Alors, certes les mentalités ont évolué, mais les récents débats sur l’homosexualité et la “théorie du genre” ont cristallisé les inquiétudes de certains parents. Et, dommage collatéral, parmi l’administration certains préfèrent repousser l’intervention de ces associations plutôt que de risquer un conflit avec des parents d’élèves.

C’est ce qui s’est passé dans un collège de Seine-Saint-Denis en Ile-de-France. Au moment des polémiques sur l’enseignement du genre à l’école, une professeur de lettres qui travaille depuis 10 ans avec le Mag a été assez surprise par une décision du chef d’établissement.  Pour ne pas heurter les parents d’élèves, il a préféré repousser l’intervention des bénévoles de l’association. “C’est de l’autocensure”, regrette Cécile.

Finalement, c’est une autre association, SOS homophobie qui interviendra au mois de mai. Quand la polémique sera sans doute retombée.

Par Ouafia Kheniche
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