Homophobie dans le sport : la France a évolué à une allure incroyable

Auteur en 2011 d’une enquête sur l’homophobie dans le sport, Anthony Mette, psychologue, estime qu’elle est encore très prégnante, notamment dans le foot, mais que la France a évolué à une “allure incroyable” ces dernières années sur le sujet.

A chaque fois qu’un sportif fait son coming-out, comme ce boxeur professionnel porto
ricain cette semaine, on s’interroge sur la réalité de l’homosexualité et de l’homophobie dans le sport. Quelle est-elle, du moins d’après votre expérience, en France?

“Le premier enseignement de notre enquête (menée en 2010/2011 à la demande du ministère des sports auprès d’un millier de sportifs, ndlr) est que les homosexuels sont sous-représentés parmi les sportifs. 1% des interrogés se disent bisexuels et 0,4% homosexuels alors qu’ils sont de 5 à 10% dans la population totale. La seconde leçon, c’est qu’il y a une grande différence entre les femmes et les hommes. Il y a beaucoup plus de sportives lesbiennes que de sportifs gays. Il y a une grande tolérance des femmes envers l’homosexualité. En revanche, il y a beaucoup plus de réticences des dirigeants par rapport à l’homosexualité féminine. En ce qui concerne les sportifs hommes, 50,6% formulent des opinions négatives envers l’homosexualité masculine, 12%, soit plus d’un sur dix, étant même très virulents.”

Avez-vous noté des disparités selon que vous interrogiez des sportifs individuels ou des joueurs de sports collectifs?

“Bien sûr. Sans même parler de sportifs, mettez dix hommes ensemble et vous aurez un effet de groupe qui provoquera des propos virils, voire machos ou pire. C’est plus l’effet de groupe que le sport. D’ailleurs, on le remarque aussi pour les sports individuels où l’on vit en groupe, à l’entraînement, lors des compétitions des déplacements. Mais il est vrai que dans les sports individuels, il est moins difficile d’assumer son homosexualité pour des raisons pratiques. Il y a moins de règles de groupe, d’autorité ou de hiérarchie omniprésente.”

La France est-elle en avance ou plutôt rétrograde en la matière?

“Depuis quelques années, je ressens que les choses évoluent à une vitesse incroyable. Prenez le magazine Têtu. Il y a quelques années, il ne parlait jamais de sport. Maintenant, vous y trouvez régulièrement des footballeurs professionnels ou d’autres sportifs qui osent s’y montrer. Il y a le Paris Foot Gay qui fait parler de lui, une cellule anti-homophobie au ministère. Maintenant, il y a toujours des sportifs “dans le placard”. En général, ce sont des gens très médiatisés qui cachent leur homosexualité pour éviter les conséquences, un peu à l’image du rugbyman Gareth Thomas avant son coming-out. On sait, depuis un témoignage anonyme (dans le livre de Jérôme Jessel Sexus Footballisticus, ndlr), qu’un footballeur professionnel très connu est homosexuel. C’est vrai qu’il y a des clubs de foot où ça me semble inenvisageable de faire son coming-out. Bien plus que dans le rugby.”

Propos recueillis par Françoise CHAPTAL