France : Le Sénat vote la « reconnaissance » des condamnés pour homosexualité, mais sans indemnisation financière

La proposition de loi du sénateur PS Hussein Bourgi, visant à reconnaître la « responsabilité » de l’Etat français dans les condamnations pour homosexualité – sur le fondement d’anciennes lois discriminatoires abrogées en 1982 (article 331 du Code pénal) – a finalement été adoptée à l’unanimité par le Sénat ce 22 novembre, mais dans une version amendée, sans réparation du préjudice ni prise en compte de la période de Vichy dans la répression.

Hussein Bourgi proposait une allocation de 10 000 euros, assortie de 150 euros par jour de prison effectué, ainsi que le remboursement des amendes.

Porte-voix de la majorité sénatoriale de droite et du centre, le rapporteur, Francis Szpiner, s’est justifié par la « complexité » du calcul des indemnisations, les difficultés à évaluer le nombre de concernés, et parce que que les lois d’amnisties adoptées en France dans les années 1980 rendaient caduc ce principe de réparation. Il a en outre expliqué que la loi n’était « pas responsable du préjudice », contrairement à « la société française, homophobe dans toute sa composante à l’époque ». Et « la République » n’étant pas fautive, la « loi mémorielle suffit ».

« Vous substituez à une loi de haine, une loi d’unité, de reconnaissance et de mémoire »

Constat similaire pour le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, qui évoque une « mise en pratique » extrêmement complexe de la mesure, en raison des lacunes et difficultés là encore à apporter la preuve d’une condamnation ancienne et la mise à exécution de la peine.

Il estime néanmoins, d’après les comptes généraux de la justice et sur la base de travaux de recherche, de l’historien Régis Schlagdenhauffen notamment, que « plus de 10 000 personnes » avaient été concernées entre 1945 et 1982, avec une peine de prison ferme pour 90 % d’entre eux.

Mais « reconnaître sans réparer, ce n’est pas satisfaisant, c’est incohérent », a regretté auprès de l’AFP Hussein Bourgi, précisant qu’une réparation n’aurait pas pesé lourd dans les finances, la plupart des victimes étant décédées.

Exit également la création d’un nouveau délit de « négationnisme », entrant dans le périmètre de l’actuel article 24 bis (du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse).

Le texte doit encore être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, en vue de son adoption définitive.