Etats-unis: Comment la Scientologie casse ses adeptes gay

Le «Village Voice» raconte l’histoire de l’éphémère flirt entre le mouvement et la communauté homo de Los Angeles. Une idylle qui s’est très mal terminée pour l’un de ses protagonistes.

«L’Eglise soutient les droits civils pour tous, quelque soit son orientation sexuelle, sa race, sa couleur de peau ou sa sa croyance. Nous sommes aussi une minorité; nous comprenons ce que cela veut dire d’être persécutés.» Ainsi l’Eglise de scientologie répliquait-elle en 2009 à des accusations sur sa prétendue homophobie. Loin de rejeter les gays, le mouvement controversé les accueillerait-il à bras ouverts sur le chemin de la sérénité et de l’immortalité? De fait, il y a bel et bien des gays au sein des plus fervents adeptes des théories de Ron Hubbard. Un article du «Village Voice» retrace l’itinéraire de l’un d’eux, Keith Relkin. Un itinéraire – ou plutôt un calvaire édifiant.

Travaillant dans l’industrie du divertissement à Hollywood, Relkin avait été, au milieu des années 2000, le «gay alibi» de l’Eglise. Il est décédé en février dernier. Une partie de ses papiers personnels a été mise à la disposition du journal new-yorkais, qui a pu retracer ses 30 ans au sein de la Scientologie, avec l’aide de quelques-uns de ses proches.

Sexualité aberrante
Son initiation n’avait déjà pas été de tout repos. Dans les années 1980, alors qu’il n’est pas encore sorti du placard, il subit d’intenses pressions pour qu’il réprime ses désirs homosexuels. On le force à signer à plusieurs reprises des engagements solennels dans ce sens. En 1985, il raconte être «puni» pour avoir admis s’être rendu dans un bar gay. On le contraint à suivre une session de formation où il est «pris à parti» sur sa sexualité «aberrante».

Ce bourrage de crâne ne le dégoûtera pas de l’organisation (et ne le «guérira» pas davantage de son homosexualité). Il semble même l’avoir conforté dans la voie de la «Dianétique». De fait, au début des années 2000, raconte le «Village Voice», l’ambiance semble changer au sein de l’Eglise, et un groupe local «gay-friendly» se forme autour de Relkin, qui a entre-temps fait son coming-out. Membre zélé, Relkin passe alors des années à promouvoir la doctrine auprès de la communauté homo de Hollywood.

Gay, scientologue heureux… et indic
Il devient même un avocat enthousiaste de la scientologie dans les médias gay. Dans une tribune qu’il signe dans le magazine gay «Fab», en 2002, il témoigne: «Il y a [dans la communauté gay] bon nombre de scientologues heureux. Et qui considèrent que la communauté [gay] est confrontée avec des problèmes de drogues, de relations malheureuses et de stress que sont le lot de toutes les communautés. Il y a de fortes chances que la scientologie continue à prendre pied ici, parce qu’elle a des réponses à ces questions.»

Au passage, Keith Relkin renseigne aussi sa hiérarchie sur les opinions de ses collègues, supérieurs et relations de travail vis-à-vis de l’Eglise. «La directrice de casting X avec qui j’ai travaillé il y a quelques années est persuadée que la Scientologie n’acceptait pas les gays. Que Cruise et/ou Travolta avaient été forcés de se ‘convertir’», écrit-il par exemple.

Vote-face
Les efforts de Relkin et de quelques autres fidèles gay de la Scientologie semble se concrétiser au milieu des années 2000. A l’époque, ils créent deux groupes destinés à recruter des membres homos: Affinity International et Clear Rainbow. Ils obtiennent même le feu vert pour distribuer une édition gay de «The Way to Happiness», un opuscule de propagande signé Ron Hubbard. Un gala doit lancer la campagne, le 29 juillet 2006, en présence de la vedette Anne Archer. Et là, tout s’écroule: l’actrice annule sa participation; à peine imprimées, les éditions spéciales de «The Way to Happiness» finissent au pilon; pour finir, le gala est annulé. Apparemment, la volte-face de l’Eglise serait survenue après que le big boss de la Scientologie, David Miscavige, a tapé du poing sur la table.

Commence alors un long séjour au purgatoire pour Relkin. Il est convoqué pour d’incessants «security checks», des séances d’autocritique qu’il doit financer de sa propre poche et qui dureront 18 mois. Ces sessions ruineuses le convainquent qu’il a lui-même «merdé». «Il s’estimait responsable. J’avais beau lui dire que c’était eux qui avaient approuvé l’événement… C’était ridicule», raconte un ami, ancien adepte, au «Village Voice». Au moins, Relkin semble avoir échappé au centre de détention qu’aurait institué la Scientologie dans un immeuble de bureaux de Los Angeles. «Cassé» mais toujours fidèle à l’Eglise, Keith Relkin s’est éteint le 3 février de cette année.

Incompatible avec tout avancement spirituel
Son histoire semble emblématique de l’attitude du mouvement, qualifié de secte par la France, face aux homosexuels. En façade, ces derniers sont les bienvenus, mais une fois dans l’institution, il seraient sujets à une rééducation intense à travers la pratique de groupe de l’«audition». Dans «La Dianétique», la «bible» de Ron Hubbard, l’homosexualité est qualifiée de perversion et décrite comme un stade de développement incompatible avec tout avancement spirituel. Par ailleurs, sur le plan politique, l’Eglise s’était engagée en 2008 en faveur de la «Proposition 8», un texte qui devait interdire le mariage entre personnes de même sexe en Californie.

 

source:http://360.ch/blog/magazine/2012/09/comment-la-scientologie-casse-ses-adeptes-gay/