En Corée du Sud, l’amour ne peut être qu’hétérosexuel

Enfin, selon le très officiel Institut de la langue coréenne. Le 31 mars, l’organisme a modifié l’une des définitions au mot « amour » dans son Grand dictionnaire en ligne. L’amour (사랑, « sarang » ) y est défini comme un attachement à sa famille, à son pays, à ses amis. Il est par ailleurs présenté comme « sentiment d’affection entre un homme et une femme ».

Auparavant, il s’agissait d’un « sentiment d’affection entre deux personnes ». Cette neutralité de genre décidée en 2012 n’a pas plu aux très puissantes et influentes églises protestantes coréennes. Pour elles, la définition de l’amour fondé sur un lien entre deux personnes sans précision de leur sexe s’apparente à la défense de l’homosexualité.

Elles ont donc fait pression pour l’ajout de la précision « un homme et une femme ». Pour cela, elles semblent avoir pu compter sur l’appui du président de l’Académie nationale de la langue coréenne Min Hyun-sik (민현식). Ce professeur à la prestigieuse université de Séoul est connu pour ses convictions religieuses fortes et surtout ses prises de position homophobes.

Il faisait partie des signataires d’une pétition dirigée contre un projet de loi déposé en février 2013 par le gouvernement contre les discriminations. Très large, le texte, toujours pas adopté, vise à interdire les discriminations basées notamment sur l’origine, la religion ou encore l’orientation sexuelle, et prévoit des amendes allant jusqu’à 30 millions de wons (20 800 euros).

Il a soulevé de vives protestations des églises coréennes. « L’homosexualité va à l’encontre de l’ordre de la création », avait alors asséné le révérend Hong Jae-chul, président du conseil chrétien de Corée. Des milliers de personnes étaient descendues dans la rue.

La pétition signée par Min Hyun-sik taxe l’homosexualité de « mal social contraire à l’éthique ». Le texte reproche à la loi d’en faire une « relation normale », d’interdire de fait « toute activité visant à lutter contre (sa) diffusion ». Ses auteurs considèrent que les homosexuels « ne veulent pas faire des efforts pour devenir des personnes normales »et voient dans la « diffusion de l’homosexualité » le risque de « développer des pathologies sociales ».

A dominante conservatrice et marquée par la morale confucéenne, la société sud-coréenne évolue très lentement sur ce sujet. Outre l’absence de protection contre les discriminations, il n’existe aucune reconnaissance de cette orientation. En 2000, Hong Suk-chon a été banni de la télévision pendant trois ans après avoir fait son coming-out.

Aujourd’hui, des programmes, des films ou des feuilletons présentent des personnalités ou des personnages ouvertement gays ou transsexuels. Le film A frozen flower (2008) a connu un énorme succès malgré son sujet sensible : l’amour du roi Gongmin (1330-1374) avec le chef de sa garde personnelle. En septembre 2013, le réalisateur Kim Jho Gwangsoo et son partenaire Dave Kim ont organisé une très médiatisée cérémonie de mariage dans le centre de Séoul. Plusieurs dizaines de bars gays sont aujourd’hui ouverts, notamment près du quartier animé d’Itaewon à Séoul.

Malgré cela, un sondage de 2013 révélait que seuls 39% des Coréens, principalement des jeunes, appuyaient l’idée du mariage homosexuel.

par Philippe Mesmer
mesmer.blog.lemonde.fr