Deux semaines après le suicide de Caroline Grandjean, directrice d’école de 42 ans confrontée à un harcèlement homophobe, son épouse Christine Paccoud a déclaré, dans un entretien accordé aux journaux du groupe Ebra, son intention de porter plainte contre l’Éducation nationale pour « manquements ». Elle réclame que la mémoire de sa compagne, disparue à 42 ans, soit « enfin reconnue comme victime ».
Le 1er septembre, jour de rentrée, Caroline Grandjean s’est donné la mort près de son village de Moussages, 200 habitants. Depuis l’automne 2023, elle subissait un harcèlement ciblé, ponctué de graffitis injurieux peints sur les murs de son école : « sale gouine », « gouine = pédophile ». Ces attaques, restées impunies, avaient plongé l’enseignante dans une profonde détresse.
« Son combat, et désormais le mien, c’est qu’elle soit reconnue comme victime, que ceux qui l’ont détruite le reconnaissent », confie Christine Paccoud, qui a retrouvé chez elle douze pages rédigées par sa femme retraçant les insultes, les réactions de l’institution et le silence du village. « Quand j’ai lu ça, je me suis dit : quel acharnement. »
Une plainte pour « manquements »
La veuve doit déposer plainte vendredi. Elle reproche à l’Éducation nationale son absence de protection et un manque de soutien face à un drame qu’elle juge « annoncé ». Une délégation du ministère doit être reçue par la famille en fin de semaine. Parallèlement, une enquête administrative a été ouverte.
Sur le plan judiciaire, les inscriptions homophobes découvertes en 2023 avaient donné lieu à une enquête, classée sans suite en mars 2025 « en l’absence de nouveaux faits », selon le parquet. Cette décision avait suscité la colère d’une partie du corps enseignant et d’associations LGBT, qui dénonçaient un manque de vigilance et de moyens.
Un drame qui dépasse les frontières du Cantal
Le suicide de Caroline Grandjean a provoqué une onde de choc dans le milieu éducatif. Minutes de silence, rassemblements, communiqués syndicaux : nombreux sont ceux qui pointent un système incapable de protéger ses agents face aux discriminations.
« J’ai perdu ma femme, mais je l’avais déjà perdue depuis le début, parce que ce n’était plus la même. Elle n’avait plus de joie de vivre », raconte Christine Paccoud. « On a tous, chacun à notre niveau, la culpabilité de ne pas y être arrivés. Mais dans le village, je ne suis pas sûre qu’il y ait ce sentiment de culpabilité. »
L’homophobie, angle mort de l’institution ?
Pour les associations de lutte contre les discriminations, l’affaire révèle une double faille : celle d’une homophobie encore très présente en milieu rural et celle d’une administration lente à reconnaître les enseignants comme victimes lorsqu’ils subissent des violences psychologiques liées à leur orientation sexuelle.
Au-delà de la plainte, la veuve de Caroline veut inscrire la mémoire de sa compagne dans un combat plus large : « Je veux qu’ils sachent que malgré le fait qu’elle ne soit plus là, ces gens qui ont fait tout ce mal n’enlèveront rien à notre amour. »
STOP homophobie a exprimé son soutien à Christine Paccoud et assure qu’elle se tiendra à ses côtés dans les démarches à venir, pour que justice soit rendue et que l’institution reconnaisse pleinement la gravité de ce drame.
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