Marseille: une marche des fiertés qui fait douter de l’Europride

Même s’il n’y a eu finalement qu’un défilé samedi, les querelles intestines menacent le rassemblement européen de l’an prochain.

L’honneur des Marseillais est sauf. Ils peuvent remercier la préfecture. En ordonnant aux deux organisations concurrentes de partager le même parcours, elle a contribué à ce que les marches des fiertés s’entremêlent hier.

Du coup, la 19e gay pride marseillaise qui partait divisée en a imposé dans la torpeur estivale des grandes avenues résidentielles du Prado: une quinzaine de chars, un essaim d’associations, de syndicats, de partis et de décibels et entre 10.000 marcheurs (selon la police) et 25.000 d’après les organisateurs.

Ambiance délétère
Tout s’est donc bien passé, mais seulement en apparence. Comme on pouvait le redouter, l’ambiance était délétère en coulisses. Vice-présidente de l’association LGP Marseille qui détient le label «gay pride», Suzanne Ketchian reconnaît que «le début a été très compliqué». Cacophonique même, à l’exemple des podiums prêtés à chaque camp par le conseil général et installés à touche-touche. Tandis que celui de la LGP déversait des décibels, l’autre association, Tous & Go, a eu bien du mal à faire entendre sur le sien la chorale gay Vocifiers. Après avoir tenté de faire reconnaître un Madonna et deux Lady Gaga, l’un des six chanteurs est sorti de scène fou de rage.

Plus diplomates mais tout aussi décontenancés, les quelques rares élus qui ont accepté de se frotter au guêpier n’ont cessé d’être tiraillés entre les uns et les autres. «Je suis venu porter les engagements forts de François Hollande pour l’égalité des droits dans l’intérêt des minorités sexuelles et j’ai la désagréable impression que les préoccupations tiennent davantage à des conflits pour lesquels je refuse d’être instrumentalisé», s’indigne Henri Jibrayel, député PS. Même embarras pour cet associatif neutre: «Dans cette polémique qui nous dépasse, on essaie de ménager tout le monde, mais c’est désagréable et contreproductif.»

Assis en travers d’un char
La grande préoccupation du moment consistait à déterminer le char qui ouvrirait le cortège. Pour barrer la route à leurs opposants, des militants de la LGP complétés par des membres de la Coordination interpride de France (Cif) sont allés jusqu’à s’asseoir devant leur camion! Tous & Go revendique avoir finalement «accepté que leur char passe devant, parce que c’est celui de l’Europride.»

Dans ce contexte justement, «l’Europride à Marseille dans un an, ça promet!», ricanent deux marcheurs. «Vu ce qu’il s’est passé aujourd’hui, il est illusoire de croire que les problèmes seront surmontés dans un an», maugrée un président d’association.

A Londres, un demi-échec
«Pas si on rend aux Marseillais cette Europride qui est pour l’instant confiée à la LGP, c’est-à-dire deux dirigeants qui, à défaut de soutien local, ne comptent que sur la Cif qui méprise royalement les Marseillais, fulmine Christophe Lopez, président de Tous & Go. Justement, le collectif des associations marseillaises va exiger que soit réattribué à un comité impliquant tous les acteurs LGBT locaux la souveraineté de cette organisation.»

Il n’en est pas question pour Stéphane Corbin. Le président de la Cif est venu mettre en garde les Marseillais contre «les tentatives de manipulation d’une association» que «ses méthodes de gestion» ont, selon lui, définitivement mise hors-jeu. Même sentiment de la part de Childéric Muller, conseiller municipal Modem: «Je suis le boulot que font Suzanne et Gilles (Dumoulin, président de “LGP”) depuis 2007. C’est à eux que revient légitimement cette organisation. Nous allons tout faire pour les y aider.»

Le succès n’est jamais certain: le même jour, la WorldPride de Londres a été un demi-échec, entraînant la démission du président du comité organisateur. Mais pour l’heure, pas d’inquiétude à nourrir, à en croire Suzanne Ketchian: «Les choses avancent bien». La preuve, conformément à la tradition, «Il y aura une star à l’Europride. Son nom sera bientôt rendu public!»

Photos: F.M. pour TÊTU.

source:http://www.tetu.com/actualites/france/marseille-une-marche-des-fiertes-qui-fait-douter-de-leuropride-21868