Arrestations massives de personnes LGBTQIA+ en Malaisie : les ONG alertent

La police malaisienne a mené le mois dernier plusieurs raids successifs dans des établissements fréquentés par des hommes, alimentant les inquiétudes des organisations LGBTQIA+ locales qui dénoncent une répression ciblée et injustifiée.

Vendredi dernier, 208 personnes, dont 37 ressortissants étrangers, ont ainsi été interpellées dans un spa de la capitale, soupçonné d’abriter des activités entre personnes de même sexe. La Malaisie, pays majoritairement musulman doté d’un double système juridique, criminalise la sodomie dans le droit civil et punit les relations entre hommes ainsi que la “transgression vestimentaire” dans le cadre de la loi islamique appliquée aux musulmans.

Dimanche, faute de preuves, la police a relâché 171 citoyens malaisiens et reconnu la faiblesse du dossier. « Nous ne voulons pas mener des raids qui n’aboutissent à aucune poursuite parce que les éléments sont irrecevables », a déclaré le chef de la police de Kuala Lumpur, Fadil Marsus, cité par l’agence Bernama.
Selon Jejaka, une organisation de défense des hommes gays, queers et bisexuels, un seul individu restait encore détenu lundi : un ressortissant étranger placé en garde à vue pour visa expiré.

Plusieurs associations affirment toutefois que nombre de personnes arrêtées ont été maintenues illégalement en détention pendant près de deux jours, alors même qu’un tribunal avait ordonné leur libération. La police et le ministère de l’Intérieur n’ont pas répondu aux sollicitations sur ces allégations.

Quelques semaines auparavant, plus de 200 hommes avaient déjà été arrêtés dans un autre spa de Kuala Lumpur, avant d’être relâchés en l’absence de charges. À Penang, treize personnes avaient également été appréhendées dans un établissement présenté comme un “sauna” réservé aux hommes, là encore sans poursuites.
En juin, des dizaines d’hommes avaient été arrêtés dans l’État de Kelantan lors d’une opération visant ce que les autorités avaient qualifié de “fête gay”. Les magistrats n’avaient trouvé aucune infraction ni élément matériel susceptible de justifier des poursuites.

Pour les ONG, ces interventions répétées, souvent menées conjointement par la police, les autorités locales et les services religieux, témoignent d’un durcissement préoccupant envers les minorités sexuelles. Elles rappellent que ces raids, même sans suites judiciaires, exposent publiquement les personnes visées, les dissuadent de recourir aux services de santé et renforcent un climat de stigmatisation déjà profond.

Amnesty International Malaysia a aussi dénoncé des actions “discriminatoires” ciblant des individus sur la base de leur orientation sexuelle supposée plutôt que sur des faits établis. Les organisations alertent sur un environnement de plus en plus hostile pour les personnes LGBTQIA+, dans un pays où la visibilité reste limitée et où les lois civiles comme religieuses prévoient des peines allant de l’emprisonnement aux châtiments corporels.

Face aux critiques, la police fédérale a annoncé vouloir “resserrer” ses procédures pour éviter les erreurs de forme et les atteintes aux droits observées lors des dernières opérations. Les défenseurs des droits restent toutefois prudents : selon eux, seule une réforme en profondeur des lois criminalisant les relations entre personnes de même sexe permettra de mettre fin à des pratiques qu’ils jugent abusives et sources d’un climat de peur durable.