« Mon employeur a fait son coming out  » : 10 actions pour accélérer l’inclusion des personnes LGBT au travail

Dans une enquête réalisée auprès de 80 dirigeants d’entreprise et salariés, parue ce mardi 29 novembre sous la forme d’un ouvrage, incluant également des témoignages d’élus et de DRH, « L’Autre Cercle » dresse un bilan contrasté sur la question de l’homophobie au bureau, y compris parmi les 57 entreprises qui ont pourtant signé sa Charte d’engagement LGBT lancée il y a quatre ans.

Si les gays perçoivent en moyenne une rémunération plus faible que des hétérosexuels à qualification et type de poste similaires, 43% des personnes interrogées estiment plutôt difficile ou très difficile d’évoquer par ailleurs son orientation sexuelle au travail, d’où le choix pour un à deux millions de salariés LGBT de ne pas se rendre « visibles ».

L’Autre Cercle note également une augmentation du nombre de licenciements pour actes ou propos discriminatoires, malgré la volonté des sociétés et collectivités locales d’œuvrer contre.

Sur 81 procédures d’appel étudiées ces dernières années, 54 ont confirmé une situation homophobe.

En septembre, BNP Paribas, signataire de la charte en octobre 2015 et d’un accord d’entreprise visant à prévenir les discriminations liées à l’orientation sexuelles, a ainsi été condamnée par la cour d’appel de Paris pour « discrimination » envers un salarié homosexuel. La banque a dû s’acquitter de quelque 600.000 euros, dont 100.000 euros à titre de dommages et intérêts eu égard au préjudice moral subi.

«  L’employeur est tenu d’articuler un principe de zéro tolérance face à l’homophobie, mais aussi de suivre avec insistance toutes les situations concrètes de travail où un climat hétéronormé et d’injures homophobes, sexistes et racistes se fait jour », rappelle le collectif qui insiste sur le rôle des managers, garant du vivre ensemble.

«  Le management doit être attentif à au moins quatre dimensions susceptibles de générer des micro-discriminations au quotidien : celle du langage (blagues d’un goût douteux), celle de la vie privée et de ses manifestations admises par la culture d’entreprise (pot de mariage), celle des lieux d’intimité et des relations avec les partenaires externes (clients, fournisseurs, usagers…) ».

Soulignant la responsabilité des « Ressources humaines » dans l’instauration d’un « climat de bienveillance » et la garantie de processus non discriminants, depuis le recrutement et la phase d’intégration, jusqu’aux mobilités, en veillant à ce que tous les salariés aient accès aux mêmes droits (congés, avantages sociaux, prestations, CE, formation etc.), l’enquête suggère en outre des systèmes internes d’alerte et de traitement des réclamations en provenance de personnes discriminées, mais aussi « de mener des enquêtes de satisfaction et d’engagement afin de vérifier si ces minorités se sentent incluses dans leur environnement de travail. »

« Le thème de la RSE constitue un bon point d’arrimage d’une politique d’inclusion des LGBT », énumère l’association à l’intention des DRH qui manqueraient d’arguments face à leur Comité Exécutif. A ce levier s’ajoute celui de la prévention des risques psycho-sociaux car les salariés LGBT sont effectivement fragilisés. Exposés plus que d’autres au harcèlement moral, ils peuvent être davantage sujets au stress et à la démotivation et désirer s’exclure de l’entreprise, voire du monde du travail.

L’association soutient donc la création de réseaux internes LGBT ou LGBT-friendly, permettant d’identifier des « roles models » et d’inspirer d’autres salariés, en les encourageant notamment à postuler à des fonctions à responsabilité, à l’instar des dispositifs de « reverse mentoring » dans lesquels un mentor senior hétérosexuel peut aider un « mentoré » LGBT junior dans son parcours tandis que ce dernier aide le premier à comprendre les enjeux de sa situation spécifique.

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Les 10 actions pour accélérer l’inclusion des personnes LGBT au travail

En externe

Sensibiliser

1. Inciter les organisations à inclure le critère de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, dans le dialogue social et dans leur politique diversité, à mettre en place un plan d’action, dont la signature de la Charte d’Engagement LGBT de l’Autre Cercle.

2. Inscrire durablement le sujet dans le dialogue social et l’ANI (Accord National interprofessionnel) et relayer cette campagne auprès des organisations patronales et syndicales, ainsi que des associations de lutte contre les discriminations et de promotion de la diversité.

3. En amont de l’entreprise, rendre obligatoire un enseignement sur les questions de lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité avec un volet concernant les populations LGBT dans les écoles de management, les universités et les écoles d’ingénieurs, qui préparent les futurs managers et équipes Ressources humaines, mais aussi dans l’enseignement professionnel et les CFA.

Partager

4. Contribuer à nourrir les réflexions des actions sur le plan européen et international, notamment dans le cadre des engagements déjà préconisés par l’ONU.

Agir auprès de l’actionnariat

5. Intégrer la thématique LGBT dans le reporting social, au même titre que d’autres critères de diversité comme ceux de l’égalité entre les femmes et les hommes, le handicap, l’âge ; valoriser cette information dans la notation extra-financière et sensibiliser sur ce thème les acteurs de l’Investissement Socialement Responsable.

En interne

Mesurer

6. Réaliser un sondage anonyme auprès des salarié.e.s et agents au sein des organisations signataires de la Charte d’Engagement LGBT de l’Autre Cercle et le renouveler régulièrement (par exemple tous les trois ans) afin de mesurer les ressentis, les progrès et les pistes d’amélioration.

7. Renouveler l’enquête qualitative, telle que nous l’avons conduite dans cet ouvrage, tous les trois ans auprès des organisations signataires, afin de mesurer les progrès en profondeur de la part des entreprises et organisations.

8. Œuvrer pour que soit conduite une enquête nationale auprès des entreprises et organisations non signataires, afin de sonder également les environnements peu ou non matures ; favoriser la recherche sur la thématique LGBT au travail.

Capitaliser les bonnes pratiques

9. Dans le cadre des travaux de l’Observatoire de l’Autre Cercle et en lien avec le Club des Signataires de la Charte LGBT, continuer à identifier les bonnes pratiques et mettre à jour les fiches-outils existantes « bonnes pratiques », à même d’être déployées de manière effective, pour respecter les engagements de la Charte d’Engagement dans les sièges et les filiales, délégations régionales et services déconcentrés.

Faire évoluer la Charte

10. Si la Charte couvre de nombreux champs, il reste à l’étendre aux parties prenantes externes ; prestataires, fournisseurs, donneurs d’ordre, en incluant les usagers, les clients, les bénéficiaires des services, ainsi qu’aux actionnaires.

Thomas J. et Valentine Monceau