Japon : la Haute Cour de Tokyo juge la loi interdisant le mariage entre personnes de même sexe constitutionnelle

La Haute Cour de Tokyo a estimé vendredi 28 novembre que l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe n’était pas contraire à la Constitution, devenant la seule juridiction d’appel du pays à valider clairement la position de l’État sur cette question. Une décision qui ralentit la dynamique engagée depuis plusieurs années et relance le débat sur l’égalité des couples LGBTQIA+ dans l’un des derniers pays industrialisés à refuser toute reconnaissance légale.

Le jugement, rendu par la présidente Ayumi Higashi, confirme que les dispositions actuelles du Code civil, réservant le mariage à « un homme et une femme », seraient encore « raisonnables » dans le contexte social et juridique du Japon. La Cour estime que le Parlement reste libre de redéfinir, ou non, le mariage, et que le pouvoir judiciaire ne peut pas lui imposer d’évolution.

Les huit plaignants, âgés de 40 à 60 ans, avaient demandé 1 million de yens chacun (environ 6 400 €) pour préjudice moral. Ils soutenaient que l’interdiction violait le principe d’égalité et la liberté du mariage garantis par la Constitution. Leur requête est rejetée, comme dans les autres affaires similaires, mais cette fois sans reconnaître la moindre entorse constitutionnelle.

Cette décision contraste avec les cinq autres hautes cours, à Sapporo, Nagoya, Osaka, Fukuoka et dans un précédent jugement à Tokyo, qui avaient toutes pointé une forme de violation des droits fondamentaux, même si aucune n’avait accordé de compensation financière. Dans une majorité de dossiers examinés depuis 2019, la justice japonaise avait reconnu des « situations d’inconstitutionnalité », mettant une pression croissante sur le législateur.

Mais pour la Haute Cour de Tokyo, le mariage sert encore principalement de cadre légal à l’éducation des enfants, et son ouverture aux couples de même sexe relèverait d’un choix politique, pas d’une obligation constitutionnelle. Elle ajoute que « certains effets du mariage peuvent être compensés par des contrats privés », une argumentation très critiquée par les organisations LGBTQIA+, qui rappellent que ces contrats ne remplacent ni la filiation, ni la succession, ni les protections sociales.

La Cour met toutefois en garde contre l’immobilisme législatif. Elle souligne que l’absence de débat au Parlement pourrait, à terme, enfreindre la garantie constitutionnelle d’égalité devant la loi. Cette mention inhabituelle laisse entendre que la situation actuelle pourrait ne plus être tenable si elle perdure.

Les plaignants ont annoncé leur intention de saisir la Cour suprême. Celle-ci devrait instruire plusieurs dossiers parallèles et rendre, dès 2026, un arrêt unifié qui fixera définitivement l’interprétation constitutionnelle du mariage au Japon.

Le pays demeure le seul membre du G7 à ne reconnaître ni le mariage, ni une union civile pour les couples de même sexe. Cette exception isole de plus en plus Tokyo sur la scène internationale. Dans l’archipel, l’opinion publique évolue pourtant rapidement : les sondages montrent désormais une majorité favorable à l’ouverture du mariage, tandis que des grandes villes, Tokyo, Osaka, Yokohama, ont mis en place des certificats symboliques pour les couples LGBTQIA+, sans valeur juridique.

Pour les associations, le jugement de Tokyo constitue un revers, mais pas un point final. Il rappelle surtout le décalage entre l’évolution de la société et la lenteur du cadre légal. En attendant la décision de la Cour suprême, des milliers de couples restent privés de droits fondamentaux : protection du conjoint, reconnaissance de la parentalité, fiscalité, succession ou simple reconnaissance publique de leur union.