États-Unis : une bibliothécaire licenciée pour avoir défendu des livres LGBTQ+ obtient 700 000 dollars d’indemnisation

Une ancienne directrice de bibliothèque du Wyoming, congédiée après avoir refusé de retirer des ouvrages traitant de sexualité et de diversité de genre, a obtenu un dédommagement de 700 000 dollars (soit environ 650 000 euros) à la suite d’un accord à l’amiable avec les autorités locales.

Terri Lesley, 62 ans, dirigeait depuis plus de dix ans le réseau des bibliothèques du comté de Campbell, dans le nord-est du Wyoming, un bastion conservateur du pays. En 2023, après deux années de vives polémiques autour de plusieurs titres jeunesse, dont This Book Is Gay de l’autrice britannique Juno Dawson, elle avait été limogée par le conseil d’administration de la bibliothèque. Plusieurs habitants et élus locaux accusaient ces ouvrages de promouvoir une « idéologie sexuelle » jugée inappropriée pour les jeunes lecteurs.

Refusant d’enlever les livres des rayons ou de les restreindre à un public adulte, Lesley affirmait défendre la liberté d’expression garantie par le Premier amendement de la Constitution américaine. En avril dernier, elle avait porté plainte contre le comté, estimant que son licenciement résultait d’un acte de censure et de discrimination. Le règlement, conclu mercredi, met fin à cette procédure sans reconnaissance de faute de la part des autorités locales. Une seconde plainte visant trois particuliers à l’origine des attaques contre la bibliothèque reste en cours.

« Je me sens enfin réhabilitée. Ce fut une épreuve difficile, mais je ne regrette pas d’avoir défendu la liberté de lire », a déclaré Lesley après l’annonce de l’accord. Ses avocats ont salué une victoire « pour le Premier amendement et contre la discrimination ».

Le Wyoming, État rural et conservateur où Donald Trump avait recueilli près de 70 % des suffrages en 2020, est l’un des épicentres du mouvement de censure qui s’est étendu ces dernières années dans les bibliothèques américaines. Depuis 2021, les « book challenges », ces procédures de contestation d’ouvrages jugés offensants ou inappropriés, ont explosé dans le pays : plus de 9 000 titres ont été visés en 2023, selon l’American Library Association. La plupart traitent de sexualité, de racisme ou d’identité de genre.

Pour la directrice licenciée, la polémique a eu un lourd coût personnel : menaces, perte d’emploi, isolement professionnel. Mais son combat a aussi attiré l’attention des défenseurs des libertés publiques. En 2022, elle avait reçu le John Phillip Immroth Memorial Award de l’Association américaine des bibliothèques pour sa contribution à la défense de la liberté intellectuelle.

« Cette affaire envoie un signal clair : les responsables publics doivent respecter la Constitution, même lorsqu’elle protège des idées qu’ils désapprouvent », a commenté son avocate, Iris Halpern.

Alors que plusieurs États, notamment la Floride et le Texas, ont adopté des lois restreignant l’accès à certains livres scolaires, le cas de Terri Lesley souligne la tension persistante entre la liberté de lecture et la censure idéologique. Dans une Amérique polarisée, les bibliothèques sont devenues, comme en Russie, un champ de bataille symbolique sur la place des minorités LGBTQIA+ dans l’espace public.