Amélie Mauresmo, icône malgré elle de l’homoparentalité

Après la fin de Wimbledon, c’est une autre histoire qui va commencer pour l’entraîneuse et ancienne championne de tennis Amélie Mauresmo, puisqu’elle va partir en congé maternité. La grossesse de cette sportive populaire, homosexuelle assumée, représente une formidable exposition médiatique pour les militants de l’homoparentalité. Elle l’a annoncée sur Twitter, le 9 avril dernier, avec un message sobre, « bébé arrivera en août », et la photo de deux paires de chaussures, une pour adulte, la second modèle, pour nourrisson.

Comme en 1999 lorsqu’elle avait révélé son homosexualité, la championne de tennis se retrouve ainsi presque malgré elle, ambassadrice d’une cause et impliquée dans un débat de société.

« Notre société à besoin d’images, d’icônes. Amélie Mauresmo, c’est une de ces icônes. Le fait qu’elle affiche pleinement sa maternité, ça fait avancer évidemment notre représentation de l’homoparentalité. C’est forcément quelque chose qui est extrêmement positif », déclare Doan Lou, porte-parole de l’association des parents et futurs parents gays et lesbiens.

En effet, la maternité de la célèbre sportive met sur le devant de la scène la question de la PMA, la procréation médicalement assistée, qui en France, n’est pas ouverte aux couples de femmes et aux femmes célibataires. Pour Doan Lou, la grossesse d’Amélie Mauresmo « permet de faire avancer la réflexion du grand public, mais aussi celle des décideurs politiques ».

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PMA à l’étranger : « on n’est pas dans un contexte rassurant et serein »

Pour devenir mère en France, les couples de femmes et les femmes célibataires sont obligées de quitter le pays. C’est le cas de Julie, 39 ans, habitante de la région parisienne, qui est allée jusqu’en Belgique pour donner la vie. « On n’est pas dans un contexte (…) rassurant et serein », confie la jeune femme qui souligne la nécessité d’une grande « organisation », par rapport au travail, le coup financier de devoir aller à l’étranger, mais aussi « des difficultés d’ordre médical » dues à un suivi médical dédoublé. Enfin, « il faut déjà qu’il accepte cette idée » car « tous les médecins ne l’acceptent pas », déclare Julie.

La jeune femme devrait accoucher le 5 septembre prochaine et sa famille, comme ses amis, se tiennent prêt pour l’heureux événement. Pourtant, au-delà de la bulle intime, Julie confie que tout n’est pas rose layette Par exemple, dans son entreprise, elle n’a jamais osé parler de sa vie personnelle et s’est mise à mentir par omission. « C’est un peu de la lâcheté de ma part mais j’ai été embauchée au moment du débat du Mariage pour Tous… J’ai entendu des choses très violentes et très dures, des propos homophobes (…), j’avoue que je n’ai pas eu le courage de dire à ma hiérarchie et mes collègues que j’étais homosexuelle. » L’arrivée prochaine du bébé, pourrait bien redonner assez de force à Julie pour ouvertement annoncer son homosexualité. « J’ose espérer qu’avec l’arrivée de cet enfant, j’aurai un peu plus de courage. Parce que je pense qu’il faut quand même, à un moment ou un autre s’assumer, et oser -pour l’enfant- être honnête à l’égard de tous », déclare Julie.

Pour accueillir un enfant sereinement avec une autre femme, il faut d’abord être en paix avec soi-même, affirme aussi une jeune marseillaise, Roama (nom d’emprunt) qui a répondu via l’interface Skype, aux questions de la journaliste Cécilia Arbona.

« Il a fallu d’abord faire tout ce chemin là, d’acceptation de soi, en tant que… il faut le dire, homosexuelle. Même si ce terme là, n’était pas familier pour moi, parce que j’étais en couple avec un homme auparavant. C’était d’abord ça le plus dur je pense : s’afficher en société, en tant que “femme avec une femme”. »

« On a le droit de marier, de faire des enfants mais il faut adopter son propre enfant »

Aujourd’hui, Rosine a franchi cette difficile étape. Elle et sa compagne sont d’ailleurs depuis un an, les mamans de Giulia, une petite fille conçue dans une clinique espagnole. Si elles ont choisi l’Espagne pour la PMA , ce n’est pas un hasard. « Les cliniques juste derrière la frontière font tout un commerce, du fait que la France refuse la PMA aux couples de femmes. Du coup, on a beaucoup d’information en français, les gens très disponibles », rapporte Rosine.Pour avoir Giulia, elles ont fait appel à « une troisième personne » par le biais d’un « don du sperme », « parce que c’est biologiquement indispensable », raconte encore Roama, qui a porté l’enfant. « Mon épouse est autant parent de Giula que moi, ça ne fait aucune différence pour aucune de nous trois, ça s’est d’ailleurs fait dans un naturel qui est assez déconcertant », confie t-elle. Pourtant, d’un point de vue légal, son épouse ne possède pas la même reconnaissance juridique. « On a engagé très rapidement une procédure pour que mon épouse puisse adopter Giulia (…) on attend le jugement. C’est d’ailleurs une grosse incohérence : on a le droit de se marier, on a le droit de faire des enfants mais il faut adopter son propre enfant. C’est assez terrible quand même », note Roama.

Selon un sondage IFOP pour l’Association des familles homoparentales publié le 5 octobre dernier, six Français sur dix (61 %) considèrent qu’un couple d’homosexuels ou de lesbiennes vivant avec ses enfants, constitue une « famille à part entière ».

Pour en savoir plus sur le reportage original de Cécilia Arbona