La Cour suprême américaine a examiné mardi 7 octobre une loi du Colorado interdisant les « thérapies de conversion » sur les mineurs. Les échanges, marqués par le scepticisme de plusieurs juges, laissent entrevoir une possible remise en cause des protections acquises ces dernières années pour les jeunes LGBTQ+.
Une loi contestée au nom de la liberté d’expression
Adoptée en 2019, la loi du Colorado interdit aux psychologues et psychiatres agréés de présenter ces pratiques comme un traitement. Condamnées par la quasi-totalité des instances médicales américaines, elles sont jugées inefficaces et dangereuses, notamment pour la santé mentale des jeunes.
La plaignante, Kaley Chiles, une thérapeute chrétienne, soutient que le texte viole son droit à la liberté d’expression garanti par le Premier amendement.
Appuyée par le puissant groupe conservateur Alliance Defending Freedom (ADF), elle affirme vouloir pouvoir « accompagner » les jeunes « en accord avec leurs convictions religieuses ».
Les juridictions inférieures avaient jusqu’ici confirmé la validité de la loi, estimant qu’elle régule une pratique professionnelle plutôt qu’une opinion.
Des juges divisés sur la portée de l’interdiction
Lors de l’audience, plusieurs magistrats de la Cour, à majorité conservatrice, ont exprimé leurs doutes quant à la constitutionnalité du texte. Certains ont évoqué une possible « discrimination de point de vue » : la loi autoriserait un thérapeute à soutenir un jeune dans l’acceptation de son identité LGBTQ+, mais interdirait celui qui chercherait à la modifier.
Le juge Neil Gorsuch s’est interrogé sur la frontière entre « une thérapie qui valide » et « une thérapie qui remet en question » une orientation sexuelle, suggérant que la loi pourrait restreindre un type de discours plutôt qu’un acte médical.
D’autres juges, plus prudents, ont noté qu’aucune sanction n’avait encore été prononcée depuis l’entrée en vigueur du texte, questionnant l’opportunité d’une intervention de la Cour à ce stade.
Pour sa défense, l’État du Colorado a rappelé qu’il n’y a rien à guérir et que la loi s’appuie sur un consensus scientifique clair : les tentatives de « conversion » augmentent les risques de dépression et de suicide chez les jeunes concernés. L’Association américaine de psychiatrie souligne que ces pratiques « n’ont aucune base scientifique et causent des préjudices graves et durables ».
Un enjeu national pour les droits LGBTQ+
La décision à venir pourrait avoir des répercussions bien au-delà du Colorado. Plus de vingt États américains ont adopté des lois similaires. Si la Cour suprême venait à juger qu’elles restreignent la liberté d’expression, c’est tout un pan des protections accordées aux jeunes LGBTQ+ qui pourrait vaciller.
Pour les associations de défense des droits, l’enjeu dépasse le seul cadre juridique : il s’agit d’un questionnement éthique et de santé publique. Elles redoutent qu’une telle décision place la liberté religieuse et la liberté d’expression au-dessus du devoir de protection de l’enfance. « Ce n’est pas un débat de principes, mais une question de dignité humaine », rappellent plusieurs ONG.
Le verdict est attendu d’ici l’été 2026. Il pourrait redéfinir la frontière entre régulation du discours professionnel et liberté individuelle dans un contexte où les droits des personnes LGBTQ+ font l’objet de tensions politiques croissantes aux États-Unis.









