Suisse : Plus de 80% des victimes de LGBTphobies renoncent à déposer plainte « par méfiance » et lacune législative

A Zurich, une femme lance son chien sur un jeune homme, dénonce swissinfo. « Attrape-le, c’est un pédé ». A Genève, c’est un journaliste, Jordan Davis, qui s’est fait injurié dans le tram. Il a filmé la scène. « Allez dégage, tu voulais me draguer, moi je baise pas les pédés », lui a lancé l’autre passager en le bousculant.

Ce sont des témoignages rares, mais loin d’être isolés. En Suisse aussi les personnes LGBT courent un risque. Près de deux cas recensés en moyenne par semaine, 95 entre novembre 2016 et décembre 2017, selon les chiffres de la plateforme LGBT+ Helpline, mise en place par la Fédération Pinkcross, pour pallier à l’absence de statistiques sur la violence homophobe et transphobe en Suisse. Confédération et cantons ont jusqu’à présent rejeté l’enregistrement officiel des crimes motivés par l’orientation sexuelle des victimes, l’identité de genre ou les caractéristiques de genre, en dépit d’une motion de la Conseillère nationale Rosmarie Quadranti. Et le Tribunal fédéral refuse aux associations la qualité pour agir.

Dans son rapport, Pinkcross souligne également l’appréhension à déposer plainte. Plus de 80% des agressions ne sont pas signalées. Les victimes se méfient de la police ou pensent que l’infraction « ne relève pas du pénal ».

« Outre le nombre important d’atteintes à l’honneur, l’ampleur des cas de violence physique est alarmante, avec près d’un tiers des cas signalés », dont une par arme. D’où l’urgence de mesures politiques. Les attaques sont pour la moitié perpétrées dans des lieux publics. Les personnes trans sont encore les plus affectées.

En niant davantage cette criminalité et la discrimination qui s’accentue à l’encontre de la communauté, les autorités n’envoient pas le bon message. « Ce n’est qu’en modifiant les prescriptions légales en termes d’enregistrement des infractions homo-, bi- et transphobes qu’une enquête criminelle cohérente sera possible sur ces actes. »

Sans chiffre et base légale, comment prévenir, poursuivre et faire condamner les agresseurs, et surtout « protéger les victimes, qui ont besoin de recours légaux et d’une indemnisation » ?

Une initiative du député socialiste Mathias Reynard propose depuis 2013 de compléter la disposition existante du Code pénal luttant contre la discrimination raciale, « afin de l’étendre à la discrimination basée sur l’orientation sexuelle ».

« La Suisse s’est construite sur le principe du respect de toutes les minorités : c’est ce qui fait la force de notre pays », écrit l’élu. « Avec cette proposition, il s’agit de montrer notre désir de combattre fermement toutes les formes de discriminations pouvant attiser la haine au sein de la population et nuire à la cohésion sociale de notre pays, sans restreindre de manière choquante ou disproportionnée la liberté d’expression. »

Mais, alors que l’on s’alarme une montée de l’homophobie, son texte ne sera examiné par le Parlement qu’au printemps 2019. Les partis de droite y sont déjà fermement opposés.

Joëlle Berthout
stophomophobie.com