Recherche: Le professeur Barré-Sinoussi voit un nouvel élan vers la guérison du sida

Le professeur Françoise Barré-Sinoussi, Nobel de médecine 2008 pour la co-découverte du virus du sida, estime que guérir l’infection est désormais possible et a annoncé jeudi à Washington une stratégie mondiale pour mobiliser les talents et efforts vers cet objectif.

Pourquoi peut-on davantage espérer aujourd’hui parvenir à guérir le sida?

Tout d’abord en raison de l’accumulation de nos connaissances scientifiques avec le patient de Berlin, le seul au monde qui semble avoir été guéri après avoir subi une transplantation de moelle osseuse, ce qui nous donne la preuve qu’arriver à éliminer le virus du corps est quelque chose de réaliste. La deuxième raison c’est que l’on a une petite proportion de patients –moins de 0,3%– qui contrôlent naturellement leur virus de façon permanente sans jamais avoir reçu le moindre traitement. Enfin, nous avons un groupe de patients en France qui ont reçu un traitement classique par des antirétroviraux, puis qui les ont arrêtés et qui vivent aujourd’hui sans traitement en contrôlant parfaitement leur infection. On a également beaucoup appris ces dernières années sur les mécanismes qui expliquent pourquoi le virus reste persistant dans le corps (des personnes sous antirétrovitaux, ndlr). Ces mécanismes nous ont permis de commencer à élaborer des stratégies thérapeutiques dont certaines ont déjà donné des résultats préliminaires qui encouragent à poursuivre ces recherches. Il y a donc de l’espoir… mais ne me demandez pas de date, car nous ne savons pas.

Le thème principal de la conférence de Washington est la possibilité de mettre fin à la pandémie avec les traitements antirétroviraux existants: est-ce possible, quand et à quel prix?

Sur le principe, oui c’est possible. Avec les traitements actuels on sait très bien qu’en 2050, si on suit les modèles (informatiques), et si toute personne infectée peut avoir accès au traitement, on devrait être capable d’éliminer cette épidémie mondiale. Dans la réalité, il y a des obstacles financiers, d’organisation et d’accès aux personnes touchées par le VIH (virus de l’immunodéficience humaine, ndlr). Il faut aussi lutter contre la discrimination et la stigmatisation, qui sont le premier obstacle. Pour le dépistage, il faut revoir le système de santé dans les pays les plus pauvres pour que toutes les populations, où qu’elles se trouvent, y compris dans des zones très retirées, puissent avoir accès aux tests et aux traitements. Ce qui fait de cette approche, que nous souhaitons bien entendu, une approche difficilement réalisable sur le long terme. D’où l’idée d’associer, pour aller vers un monde sans sida, les traitements actuels et d’y greffer les nouveaux traitements de demain, car c’est grâce à eux qu’on arrivera à cette génération sans sida. Et à la conférence de Washington on attend une mobilisation plus forte, en particulier des politiques, pour justement élargir cet accès aux traitements actuels et pour continuer la recherche sur le VIH.

Où en sommes-nous dans la recherche d’un vaccin?

La recherche vaccinale avance aussi en parallèle. Bien sûr l’essai clinique réalisé en Thaïlande a été le premier pour lequel on a constaté une petite efficacité, très modeste. On a appris et on continue à apprendre de cet essai clinique mais il faut en refaire de nouveaux car tout n’est pas exploitable. Et la recherche vaccinale continue avec une approche qui me semble bien meilleure à présent, car elle permet de déterminer les mécanismes précis qu’il faut savoir induire par un vaccin pour obtenir une protection.

(Propos recueillis par Jean-Louis Santini – Source AFP)