Mariage pour tous. Le président de la Ligue des droits de l’Homme condamne les propos du député UMP Marc Le Fur

Le 28 novembre, Marc Le Fur, député UMP des Côtes d’Armor, était intervenu lors de la séance de « questions au gouvernement » à l’Assemblée nationale, à propos de la loi sur le mariage pour tous. « Est-ce bien le moment d’imposer par la force une loi dont nos compatriotes ne veulent pas ? » avait-t-il demandé au gouvernement. Pour le parlementaire, des « activistes » empêchent « un vrai débat » sur ce sujet. « Pour certains l’enfant est simplement un droit, un produit de consommation, ce n’est pas ce que nous voulons » avait-t-il conclu.

« Ces propos ne vous honorent pas » lui avait répondu Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la Famille. « Au moment du Pacs vous évoquiez la fin du monde qui n’a pas eu lieu » avait-elle rappelé en demandant au député de veiller « au respect de nos concitoyens » et au « principe fondamental de la République : l’égalité ». La ministre avait défendu une « famille qui inclut, une vision généreuse » face à une vision « qui exclut ». Et de rappeler l’importance d’une loi de protection juridique pour les « 30 000 à 300 000 enfants qui vivent aujourd’hui dans des familles homoparentales ».

Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, vient d’écrire cette semaine au député UMP Marc Le Fur. Dans sa lettre, il appelle tous les parlementaires et les citoyens à se mobiliser pour l’égalité des droits et à ne pas céder aux campagnes de haines, de peurs et d’exclusions qui troublent actuellement le débat :

« Lors de la séance des questions au gouvernement du 28 novembre dernier, vous êtes intervenu pour exprimer votre opposition au projet de loi sur le « mariage pour tous », en des termes qui sont non seulement inacceptables, mais de plus en contradiction flagrante avec l’appel à l‘apaisement que vous prétendez rechercher.

Si votre opinion de citoyen est libre, votre responsabilité en tant que législateur ne devrait pas vous permettre de pratiquer l’amalgame, la désinformation, et de jeter le discrédit sur une partie de nos concitoyens. En effet, votre argumentation, marquée par un ordre moral éculé et réactionnaire, tend à attiser des passions malsaines en reprenant les menaces et discours apocalyptiques sur le devenir de la famille et la protection de l‘enfant.

Comme Madame Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la Famille, vous l’a rappelé en séance, ces prévisions de fin du monde étaient déjà les mêmes lors des débats sur le Pacs, ou à l‘époque, pour s‘opposer au divorce, à la contraception, ou à l’interruption volontaire de grossesse. Elles ne se sont évidemment pas réalisées, et tous s‘accordent aujourd’hui sur les avancées indéniables qu’ont représenté ces mesures de progrès et de liberté.

Les évolutions constatées dans notre société posent déjà la réalité d’une diversité des compositions des familles, qui ne se posent plus en un modèle unique depuis des décennies. La reconnaissance juridique des couples de même sexe ne vient que confirmer un état de fait et un principe d’égalité. Le mariage pour tous permet à celles et ceux qui le désirent d’offrir la possibilité d’un statut juridique a des dizaines de milliers de couples, et autant d‘enfants vivant déjà au sein de telles familles.

Vos inquiétudes sur l‘adoption sont non seulement malveillantes mais surtout infondées, car l’évolution législative proposée ne change pas les règles applicables en France en la matière. Elles resteront régies par la convention de La Haye, ratifiée par la France en 1998, qui prévoit que toute adoption est prononcée par un juge, qui vérifie toutes les garanties nécessaires à la protection des droits de l’enfant. De plus, il convient de vous rappeler qu’elle est autorisée aux personnes célibataires, et que l‘adoption ne peut être entravée en raison de l‘orientation sexuelle du ou des demandeurs, qui reste indépendant du projet parental.

Enfin, les exemples étrangers viennent aussi démentir vos fantasmes. Vingt-deux pays disposent déjà d‘une législation posant le mariage et l’adoption sans discrimination, comme l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Canada, neuf États américains, mais aussi en Europe : les Pays-Bas, la Belgique, la Norvège, la Suède ou le Portugal et l‘Espagne. Dans chacun d‘entre eux, la lutte contre l’homophobie, contre les discriminations, pour l’égalité entre les sexes, a progressé. Ni la « famille » ni la « protection des enfants » n’y sont mises en péril. La France ne sera donc pas pionnière sur le sujet, mais elle confirmera ainsi son attachement à une république laïque, fondée sur les principes de liberté et d‘égalité.

C’est pourquoi la Ligue des droits de l’Homme appelle tous les parlementaires et les citoyens à se mobiliser pour défendre l‘État de droit, à faire échec aux campagnes de haines, de peurs et d’exclusions, et à soutenir le projet de mariage pour tous. »

Une mise au point du président de la Ligue des droits de l’Homme qui mérite d’être saluée et qui rappelle qu’il n’y a pas lieu de fantasmer sur les « dérives apocalyptiques » que pourrait entraîner le projet de loi sur l’ouverture du mariage et de l’adoption pour les couples de même sexe.

Giuseppe Di Bella

La vidéo de l’intervention de Marc Le Fur à l’Assemblée nationale : http://www.dailymotion.com/video/xvg50s_reportages-vif-echange-entre-dominique-bertinotti-et-marc-le-fur-sur-le-mariage-_news