Le transsexuel agressé par les amis de son client

Ils étaient venus chez Franck, alias Lili, pour récupérer un ami. Tout avait dégénéré: un coup de couteau, des coups, des menaces.

Il est venu sur ses hauts talons rouges, des paillettes sur les paupières et l’air un peu inquiet. À Jarnac, Franck est aussi connu sous le nom de Lili. Dans son strict tailleur gris, en triturant ses longs cheveux bl
onds, Franck affronte une nouvelle épreuve. Pas celle des médecins qui s’opposent encore à son opération. Pas celle d’accepter sa différence. Cette différence qui est sans doute un peu à l’origine de sa présence au tribunal correctionnel d’Angoulême hier.

Franck est sur le banc des parties civiles. «Une vieille histoire de 2009. J’ai été agressé par deux personnes. J’ai pris un coup de couteau», dit-il sobrement avant de pénétrer dans la salle d’audience. Ses agresseurs ont été condamnés à un an de prison avec sursis mise à l’épreuve et 2 000 euros.

Ce matin-là, le 22 novembre 2009, Franck est dans l’appartement de Jarnac en compagnie de Philippe, 58 ans. L’homme est très pieux, joue de la guitare à l’église, est père de quatre enfants, mais vit très mal son divorce. Il a trop mis le nez dans l’alcool. Et se cherche aussi sexuellement. «Des pulsions», proteste-il à toute évocation d’une liaison. Franck est plus cru, parle d’amour «tarifé». «Je luis prenais 20 euros pour faire l’amour. Et puis quand il m’a prêté 3 000 euros pour mon lifting, je ne prenais plus rien.» Trois mille euros et le début des ennuis.

Ce matin-là donc, un peu après 8 heures. Philippe se souvient qu’il était dans la chambre, qu’il a entendu la porte s’ouvrir, que Franck a tenté de résister. En vain. Barbara, 40 ans et Philippe R. se sont rués dans l’appartement. Des coups, des insultes. «Tu es une putain, tu vas payer pour ce que tu es.» Les fils du téléphone arrachés, les coups de poing. Barbara a même sorti un couteau de sa poche. Franck en a pris un coup à l’épaule. «J’étais plein de sang.» Philippe R. a balancé le cendrier de bar sur pied. Franck l’a pris dans la tête.

«On avait peur pour Philippe», explique aujourd’hui Barbara. Ils le cherchaient depuis la veille au soir. Toute une nuit à boire, à faire chauffer la carte bancaire qu’ils lui avaient confiée.

«Sexualité différente»

Ils ont eu si peur qu’ils se sont faits recouvreurs de dettes. «Parce que c’était dangereux d’être avec un transsexuel?», tente Anne-Sophie Arbellot, l’avocate de Franck. Surtout «l’alcool et l’imbécillité», estime Sébastien Grolleau, l’avocat de Philippe R. Et puis peut-être bien quand même l’appât du gain. Franck a signé deux chèques qu’il a remis à Barbara.

Et tout de même «la sexualité différente qui fait qu’il y a des choses qui se passent dans la tête des gens», a commenté la procureure, Élisabeth Decencière-Ferrandière. Véronique Chabrier, l’avocate, n’a pas voulu voir sa cliente, Barbara, monter une expédition punitive «pour se taper du travesti». «Il faut arrêter de donner cette connotation à ce dossier. Ils se sont dit “il a besoin de nous”, ça s’arrête là.» Malgré les insultes plutôt typées, les menaces.

Mais Anne-Sophie Arbellot s’est aussi souvenue que dans le dossier, Philippe parlait de son vice qu’il voulait éradiquer, du «problème sexuel» que Philippe avait confié aux deux autres, lui qui parlait trop, de ses histoires, de son héritage.

Lui qui hier à l’audience, a reconnu que «dans l’alcool on est faible». Lui qui était poursuivi pour non-assistance à personne en danger parce qu’il n’avait pas eu «le courage de les mettre dehors, d’appeler au secours». Mais, lui, n’avait rien demandé à personne, sollicité personne. Les juges en ont tenu compte. Ils l’ont relaxé, pas persuadés qu’il ait eu les moyens de s’imposer.

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