Human Right Watch appelle la Chine à mettre un terme aux « thérapies » censées « réorienter » les LGBT

La Société chinoise de Psychiatrie a officiellement retiré le terme d’« homosexualité » de la Classification chinoise des troubles mentaux en 2001. La loi chinoise de 2013 sur la santé mentale exige que le diagnostic et le traitement des troubles mentaux soient conformes aux normes de diagnostic. Puisque l’attirance pour une personne du même sexe n’est pas une pathologie, la loi rend la thérapie de conversion illégale. La loi exige en outre que le diagnostic et le traitement des troubles mentaux respectent les droits fondamentaux des individus et la dignité humaine.

Pourtant, les autorités chinoises n’ont pas pris de mesures proactives pour empêcher les établissements de santé ou les praticiens de proposer des traitements de conversion, comme la publication de lignes directrices claires interdisant ce type de traitements ou la surveillance des établissements pour déterminer si ces thérapies sont pratiquées, et le cas échéant, pour faire en sorte que ces établissements soient tenus responsables.

Le gouvernement chinois devrait prendre des mesures immédiates pour empêcher les hôpitaux publics et les cliniques privées d’offrir des thérapies de conversion, a ainsi déclaré Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié ce 15 novembre, dénonçant les « traitements », « intrinsèquement discriminatoires et abusifs », proposés par ces établissements, qui visent à changer l’orientation homosexuelle ou bisexuelle d’un individu en orientation hétérosexuelle.

« Cela fait plus de 20 ans que la Chine a dépénalisé l’homosexualité, mais les LGBT sont toujours internés, traités avec des médicaments et même soumis à des chocs électriques pour changer leur orientation sexuelle », a déclaré Graeme Reid, Directeur de la division Droits des personnes LGBT à HRW. « Si les autorités chinoises veulent vraiment mettre fin à la discrimination et aux abus contre les personnes LGBT, il est temps de mettre fin à cette pratique dans les centres médicaux. »

Le rapport de 52 pages, intitulé « Have You Considered Your Parents Happiness ? : Conversion Therapy Against LGBT People in China » (« Avez-vous pensé à ce que vos parents vont dire (et à leur bonheur) ? Les thérapies de conversion des personnes LGBT en Chine »), s’appuie sur des entretiens avec 17 personnes, adultes et adolescents, relatant les menaces de la famille et violences parfois physiques pour les contraindre à des traitements contre leur sexualité.

Dans les établissements qui en proposent – dont certains sont des hôpitaux publics gérés et contrôlés par le gouvernement et des cliniques privées agréées et supervisées par la Commission nationale de la Santé et du Planning familial – les professionnels de santé préconisent, dans certains cas, « des placements d’office en hôpital et l’administration forcée de médicaments et d’électrochocs, qui peuvent constituer des formes de torture. »

Aucune des personnes interrogées par Human Rights Watch n’a consenti au traitement de manière libre et éclairée. Trois d’entre elles ont dit avoir tenté de s’échapper des établissements où ils étaient hospitalisés.

« Je m’étais approché très près de la porte qui n’était pas gardée, mais avant que je puisse l’ouvrir, deux agents de sécurité m’ont rattrapé. Juste après, je me suis retrouvé au sol », a expliqué Luo Qing, en décrivant sa tentative de fuite.

Cinq autres témoins ont raconté les séances d’électrochocs, stimulées par des images, des vidéos ou des descriptions verbales d’actes homosexuels. Ils étaient ainsi censés « associer leur homosexualité à des sensations désagréables ou douloureuses, en vue de réprimer leurs pulsions ». Quatre des victimes ignoraient qu’elles allaient subir un tel traitement, « ce qui a encore aggravé leur traumatisme », déplore Liu Xiaoyun (pseudonyme) :

« Ils ont augmenté l’intensité des électrochocs et au lieu d’être simplement engourdi, j’ai commencé à ressentir de la douleur. J’avais l’impression … d’avoir des aiguilles qui me perçaient la peau. Quelques minutes plus tard, mon corps s’est mis à trembler… Ce n’est que plus tard encore que j’ai réalisé que c’était une machine à électrochocs. »

Onze personnes interviewées ont également confié avoir été forcées à des prises de médicaments « par voie orale ou par injection » dans le cadre de leur « traitement », sans information sur l’usage des produits ou risques potentiels liés. « Le personnel médical s’assurait toujours que les individus concernés prenaient ces médicaments, même en cas de résistance. »

Presque toutes affirment avoir été victimes de harcèlement verbal et d’insultes de la part de médecins et de psychiatres, qui les qualifiaient de « malades », « pervers » ou encore d’« anormaux ».

« C’est ce que m’a dit le docteur », se souvient Zhikun. « L’homosexualité relève de la promiscuité sexuelle et elle est immorale. Si vous ne changez pas sur ce point, vous tomberez malade et vous mourrez du SIDA. Votre vie de famille ne sera jamais heureuse… Avez-vous pensé à ce que vos parents vont dire ? ».

Pékin devrait promulguer et faire appliquer des mesures de protection des personnes LGBT pour lutter contre les abus !

Selon les directives de la Commission nationale de la Santé et de la Planification familiale, toutes les provinces, municipalités et régions autonomes doivent enquêter sur les activités menées dans les hôpitaux et cliniques en violation de la loi de 2013 sur la santé mentale. Mais lorsque Human Rights Watch a contacté le bureau chargé de surveiller la mise en œuvre de cette loi, un agent a assuré « ne pas être au courant d’abus liés à la thérapie de conversion ».

Les témoins, interrogés par HRW, n’ont pas souhaité porter plainte, craignant que leur orientation sexuelle soit rendue publique.

Dans deux affaires contestant toutefois certains aspects de la thérapie de conversion, les tribunaux se sont rangés du côté des plaignants : dans la première, le tribunal a jugé que l’hôpital s’était rendu coupable de séquestration envers le plaignant ; dans la seconde, la Cour a accordé des dommages et intérêts pour les souffrances physiques et psychologiques subies du fait du traitement aux électrochocs.

« Mais ces décisions judiciaires n’ont pas encore eu d’effet dissuasif évident sur les praticiens de la thérapie de conversion », regrette HRW, qui rappelle que la Chine a participé à la Convention contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu’à la Convention relative aux Droits de l’enfant, et qu’elle a signé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

« Tous ces instruments contiennent des dispositions qui interdisent plusieurs aspects de la thérapie de conversion. »

« Il est temps pour la Chine de rejoindre le consensus mondial, de reconnaître que la thérapie de conversion forcée ou médicalisée est une pratique abusive et discriminatoire et de l’interdire », a insisté Graeme Reid. « Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que la dépénalisation prendra tout son sens sur les plans juridique et social, et qu’elle permettra aux personnes LGBT d’être protégées dans toute la Chine contre cette sinistre pratique. »