Apprenti ex-gay Du bon usage du «outing»

Brillant et joli garçon, Jonathan Merritt est le chouchou des jeunes évangéliques américains modérés. Mais, depuis que l’homosexualité du jeune auteur a été révélée par un bloggeur gay, le vernis craque.

Le représentant «prometteur d’une nouvelle Amérique évangélique», c’est cet épithète flatteur que Jonathan Merritt place au sommet de la biographie publiée sur son site internet. Auteur de nombreux articles et de livres, conférencier et chouchou des talk-shows, le jeune homme n’est pas, a priori, sur la longue liste des ennemis publics de la cause LGBT. Il a même, à différentes occasions, critiqué les leaders de son propre camp pour la violence de leurs prêches anti-gay. Un milieu qu’il connaît bien: il est le fils d’un ancien président de la Southern Baptist Convention, l’une des plus influentes dénominations évangéliques du monde. Pour Merritt, il est temps que les chrétiens dépassent les débats politiques stériles pour empoigner des thèmes plus importants, tels que l’environnement, par exemple.

Mais le 23 juillet dernier, le bloggeur gay Azariah Southworth balançait sur le Net un article qui a fait grand bruit. Chrétien pratiquant, Southworth a raconté sa rencontre avec Merritt, en 2010, après une longue correspondance avec lui. «Une nuit nous avons commencé à nous échanger des SMS, raconte le bloggeur. A ce moment-là, je voyais Jonathan comme un homme hétérosexuel. Homme, il était bien, mais pas hétérosexuel. Les messages de Jonathan prenaient l’allure d’un flirt, et j’étais de plus en plus confus.»

Boy-next-door
Les deux hommes se donnent rendez-vous quelques jours plus tard dans l’Alabama, en marge d’une conférence de jeunes chrétiens où Merritt est invité en tant que conférencier. «Il avait les yeux bleus et ce petit côté boy-next-door. Le coup de foudre. Mais il avait l’air un peu parano. Ce n’était pas difficile de deviner pourquoi.» Et hop, le duo s’embarque pour une tournée des bars très arrosée… qui se termine sur un parking désert. «J’étais choqué de me rendre compte à quel point il était direct», précise Southworth, en ajoutant avoir tenté plusieurs de mettre en garde le jeune homme contre toute action qui l’«amènerait à vivre une vie malhonnête.» Quelques Kleenex plus tard, «ma bouche était irritée à cause de son visage non rasé, décrit Southworth. Je me sentais un peu sale, mais surtout je me sentais mal pour lui. Je savais quel sentiment de culpabilité il ressentirait. J’ai connu ça.»

Jonathan Merritt n’a pas accusé le coup bien longtemps. Trois jours après la révélation de cette idylle éclair, il a confirmé avoir eu un «contact physique outrepassant les limites de l’amitié» avec Southworth. Il a assuré qu’il avait eu l’intention de parler – non pas de son homosexualité, mais de sa «brisure» (brokenness) tôt ou tard. De fait, son attirance remonterait, explique-t-il, à un abus sexuel que lui aurait fait subir un voisin quand il avait 13 ans. Et aujourd’hui, il bataillerait toujours avec ses pulsions. «Il y a une différence entre ce que l’on vit et la vie que Dieu nous offre», résume-t-il, s’affirmant toutefois convaincu par «la norme sans appel que la Bible fixe en matière de sexualité.»

Indignation
Les blogs gay américains se sont gaussés de cette mise au point quelque peu ridicule, notant au passage, comme Queerty.com, que suite à cette mésaventure, Merritt s’était retrouvé «booké» pour un mois comme orateur dans les temples de son papa. Quant à Azariah Southworth, il a repris la plume sur Salon.com pour dire combien ce «outing» lui avait attiré de réactions scandaliséees au sein de la communauté LGBT, mais surtout combien il lui avait coûté d’agir ainsi avec quelqu’un pour qui il éprouve de l’affection et du respect. Pourtant, explique-t-il, «J’étais fatigué des mensonges. J’étais las d’entendre Jonathan dire qu’être gay n’est pas ‘ce qu’il y a de mieux pour Dieu’, que l’orientation sexuelle est un péché et que tu dois changer avec l’aide de Dieu. Ce sont des mensonges. […] Je suis las que mon humanité en tant que gay soit invalidée par des leaders hypocrites comme Jonathan, qui s’attendent en retour à mon soutien.»

source:http://360.ch/blog/magazine/2012/08/du-bon-usage-du-outing/