Adoption plénière : le parcours douloureux de Delphine et Cécile, épouses et mamans de Lola

Delphine et Cécile se sont rencontrées il y a dix ans à la faveur d’un voyage à Montréal. Elles se sont mariées il y a deux ans, à la faveur de la loi Taubira et ont eu un bébé il y a dix-neuf mois, porté par Delphine, grâce à une procréation en Belgique. Voilà pour le tableau que deux jeunes femmes déterminées à vivre pleinement leur vie de couple et de famille à Moulins-lès-Metz ont elles-mêmes dessiné. « Notre mariage était une évidence lorsque nous avons eu envie d’un enfant », raconte Delphine dans l’EstRepublicain. « Et pour tout avouer, nous étions certaines qu’une fois mariées, il n’y aurait aucun problème à faire inscrire Lola sur le livret de famille. »

Les deux épouses ont rapidement déchanté. Dès le guichet de la mairie de Peltre, où Lola, née à Mercy, devait être enregistrée. « Tout s’est écroulé sous mes pieds quand j’ai réalisé que je n’allais pas pouvoir être la mère de Lola ; quand la secrétaire nous a dit que les choses n’étaient pas si simples », rapporte Cécile. Elle a appelé le tribunal à la rescousse.

Du côté de la justice, la réponse fut sans appel : les deux mères devront passer par une procédure d’adoption. « Je savais que nous mettions en route une grosse machine avançant au rythme de l’administration française. Le vertige ! »

Depuis octobre dernier, au regard de la loi, Cécile est, autant que Delphine, la maman de la petite, grâce à une adoption plénière. « On ne peut pas s’imaginer ce que c’est. Nous nous sommes retrouvées face à un tribunal, des juges qui m’ont demandé de justifier de mes motivations à être la mère que j’étais déjà ! » Quatre mois plus tard, leur tête tourne toujours autant. « Il faut une énergie de dingue pour arriver au bout du “process”. Il y a des hauts et des bas, c’est compliqué, douloureux mais évidemment, rien n’aurait pu nous arrêter. Nous avons été beaucoup aidées, par la famille, nos proches et nous avons de bonnes conditions de vie. Lorsque nous sommes rentrées du tribunal, tous les voisins sont venus boire le champagne à la maison ! C’était très émouvant. »

« C’est moi qui ai coupé le cordon ! »

Du côté de Moulins-lès-Metz, où les filles ont installé leur nid, la vie a le goût du bonheur. Le duo de femmes le sait plus que jamais : des montagnes ont été déplacées. Cécile a le sens de la formule pour résumer son vécu : « Vous savez qu’avant cette adoption, je n’avais pas plus de droits sur ma propre fille que la nounou. Alors que c’est moi qui ai coupé le cordon qui la reliait à mon épouse ! S’il était arrivé quelque chose à Delphine, la petite était placée ou prise en charge par la famille de mon épouse ! »

Une certaine fierté l’emporte désormais, susceptible d’atténuer les cauchemars, le sentiment, aussi, de revenir de loin. « Nous nous sommes souvent repassées les débats à l’Assemblée sur le mariage pour tous. A certains moments, assure Delphine, nous avions réellement l’impression qu’on parlait de nous comme on le ferait d’animaux, d’êtres bizarres. Notre mariage et notre maternité sont arrivés à une période sociétale très compliquée. Aujourd’hui, nous pensons souvent à tous ceux qui ne vivent pas dans les mêmes conditions que nous et nous aiderons toutes les personnes qui viendront vers nous. » Cécile, elle, ne peut s’empêcher de regretter chaque jour ces mille embûches déposées sur le parcours des adoptants. « Rien de tout cela n’est imposé à ceux qui font des enfants sans forcément les vouloir. Qui serait capable de s’embarquer dans de tels processus difficiles, sans être réellement motivé par la parentalité ? »

Maman, c’est ainsi que Lola appelle Delphine. Cécile est mamita. « Ça évite la confusion dans l’esprit de notre fille », éclaire Cécile. « Le fruit de nos échanges avec le psychologue du service de la procréation médicalement assistée. Il nous a semblé logique, pour Lola, de ne pas avoir à nous appeler maman toutes les deux ».

Saada SEBAOUI