Selon Business News : “En Tunisie, il vaut mieux être pédophile que homo”.

Les préjugés et les idées reçues ont la vie dure en Tunisie. C’est tellement plus facile que de réfléchir et de tenter de comprendre. Comme le fait de réclamer sa part de pétrole bien planté derrière un écran est bien plus facile que de se bouger et travailler.
La création de l’association Shams pour la défense des droits des homosexuels n’a pas fini de susciter la polémique. Certaines personnes se sont arrogé le droit de dire aux autres ce qu’il faut faire ou ne pas faire. On peut même qualifier tout cela de campagne contre cette association et contre les homosexuels en général. Donc, il parait utile de clarifier certains points.
D’abord, fonder une association est un droit fondamental garanti par la Constitution tunisienne. Parallèlement, chacun est libre de disposer de son corps à sa guise. Malheureusement, certaines pratiques sexuelles restent susceptibles d’être condamnées par la loi à l’instar de l’article 230 qui condamne à 3 ans de prison la sodomie entre adultes consentants. Mais quel meilleur moyen d’essayer de faire modifier une loi que la constitution d’une association regroupant ceux qui en sont victimes ?

Le point de vue citoyen est également important. Les homosexuels sont des personnes à part entière mais avant tout des citoyens. Le contrat social, dans tout pays qui se respecte, est basé sur la dualité des droits et des devoirs. Il s’agit là de personnes qui vivent dans cette société, qui payent leurs impôts et qui n’enfreignent pas la loi. S’ils accomplissent leurs devoirs par rapport à la société, pourquoi devrions-nous les priver d’un droit ? Prenons un exemple simple. L’article 6 de la loi électorale tunisienne détermine les catégories de personnes interdites de voter. Parmi celles-ci, on trouve une certaine catégorie de personnes condamnées par la loi. Donc, le fait que ces personnes n’aient pas respecté le contrat social les prive de leur droit d’exprimer leur opinion politique en votant. Dans le cas de l’association Shams, on veut priver des personnes de leur droit sans qu’ils n’aient rompu le contrat social. Dans le cas de cette association, c’est le gouvernement qui rompt le contrat.

Par ailleurs, le contexte tunisien revêt son lot d’hypocrisie. Le gouvernement, sous la pression, compte demander des comptes à cette association et évoque même une interdiction d’exercer. Par contre, il est complètement inerte quand on évoque la Chariâa et la mise en place d’un califat en Tunisie ! Il y a un parti politique en Tunisie, dénommé Hizb Ettahrir, qui prône ouvertement l’application de la Chariâa dans notre pays et la construction d’un califat islamique. Ce parti ne croit pas aux élections et considère la démocratie comme un système contraire aux préceptes d’un certain islam. Pour eux, la Constitution tunisienne n’est qu’un texte qui n’a aucune valeur et qui a été dicté aux Tunisiens par des forces extérieures. N’est ce pas une menace pour le contrat social républicain en Tunisie ? N’est-ce pas une mise en danger de la paix sociale et du cadre dans lequel une société évolue ? Pourtant, ce parti exerce ses activités en toute liberté et est même invité à donner son avis sur la réforme de l’éducation en Tunisie !

Parlons aussi de pédophilie. Il existe un chef de parti en Tunisie dont l’un des arguments est de pouvoir marier les fillettes de 13 ans. Non seulement il n’a jamais été inquiété pour ses propos faisant clairement l’apologie de la pédophilie mais son parti bénéficie d’une existence légale et continue d’opérer. La pédophilie serait-elle considérée comme un point de vue dans notre pays ? Pourtant, le gouvernement ne se montre pas aussi ferme qu’il l’est avec l’association Shams.

Autre exemple, celui de la polygamie. Le fait d’épouser plusieurs femmes en même temps est clairement interdit par la loi. Il s’agit également d’une menace pour le cadre social dans lequel évolue la société tunisienne depuis son indépendance. Pourtant, là encore, il existe un parti politique qui défend ouvertement cette « revendication » et en fait même un programme politique. Et là encore, le gouvernement n’en a que faire et préfère s’acharner sur l’association Shams.

Un autre exemple édifiant. L’ancien chef du gouvernement, Hamadi Jebali, s’est fendu aujourd’hui d’un communiqué concernant l’attribution d’une autorisation à l’association Shams. Pour lui, cette association devrait être interdite « religieusement, constitutionnellement et juridiquement » dans cet ordre-là. Selon lui, cette association « menace la paix sociale ». Cela aurait été louable de sa part s’il avait exprimé la même opinion concernant les LPR qui tabassaient les gens en pleine rue un certain 9 avril. C’était bien lui qui nous expliquait à quel point il était difficile de dissoudre une association (parlant des ligues de protection de la révolution) et que c’était à la justice de se prononcer. C’était bien sous son gouvernement que le parti Hizb Ettahrir a obtenu son visa. Son souci actuel de la paix sociale est réellement touchant.

En fait, le gouvernement a fait le choix de s’attaquer à l’association Shams parce qu’il a peur. Le gouvernement actuel n’a pas les épaules pour faire face aux revendications populaires et pour se confronter ne serait-ce qu’à un pan de la société. Voyant que les voix s’élevaient contre cette association, le gouvernement s’y est plié et a fait marche arrière sur une autorisation qu’il avait lui-même délivré. De là, il est permis de s’interroger sur la capacité de ce gouvernement à faire respecter le contrat social. Si demain la polygamie ou la pédophilie devenaient une « revendication populaire », comme est décrite la demande d’interdire l’association Shams, pourraient-elles être finalement autorisées pour « préserver la paix sociale » ? Malheureusement, ce gouvernement laisse le champ libre à toutes ces questions.

Par Marouen Achouri
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