Défiant la loi et les préjugés, la communauté LGTB ougandaise lance son magazine

>> LGBT Ugandans Launch Magazine to Share ‘Our Voices, Our Stories, Our Lives’

En Ouganda, l’homosexualité est illégale, mais Kasha Jacqueline Nabagesera refuse de se cacher et défend même depuis longtemps les gays et lesbiennes.

Son militantisme a toujours eu un prix: à la fac déjà, elle était la cible des tabloïds. “Ils écrivaient sur les +secrets des repaires de lesbiennes+”, raconte la jeune femme, âgée de 34 ans.

Mais aujourd’hui, elle contre-attaque: en décembre, elle a lancé “Bombastic”, le magazine de la communauté gay et lesbienne, proposé via un réseau informel de distribution.

La revue de 72 pages sur papier glacé est gratuite et contient notamment des essais au ton personnel, des poèmes et commentaires de lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels ougandais (LGTB). Certains utilisent des pseudonymes, d’autres non.

Dans son éditorial, Kasha Jacqueline Nabagesera a affiché l’ambition du magazine: “Parler pour les sans voix”.

Au fil des ans, les tabloïds ougandais, très lus, ont révélé l’homosexualité de nombreux amis et collègues de la jeune femme. Et souvent cherché à vendre du papier avec des histoires scabreuses. Le sentiment antihomosexuel, très répandu dans le pays, y est largement relayé par les puissantes églises évangéliques, et la classe politique. L’an dernier, une nouvelle loi avait été votée, qui renforçait une législation punissant déjà de prison à vie, depuis l’époque coloniale, les pratiques homosexuelles : elle s’attaquait cette fois à la “promotion” de l’homosexualité. Elle a été annulée à l’été pour des raisons de procédure mais les élus ougandais entendent bien revenir à la charge.

Kasha Jacqueline Nabagesera raconte que les tabloïds ougandais ont “inventé” toute sortes d’histoires à son sujet, l’accusant par exemple “de former des filles à devenir lesbiennes”.

“Des gens ont perdu leur logement, leur travail, leur famille” à cause de ces histoires, poursuit-elle. L’une de ses connaissances, dont la photo avait été publiée, a été “battue en plein jour”.

Ces quatre dernières années, poursuit la militante, les médias ougandais, en nommant et stigmatisant les membres de la communauté LGTB, ont largement contribué à leur harcèlement.

Les conséquences ont même parfois été extrêmes: en 2011, David Kato, célèbre militant gay et ami proche de la jeune femme, a été battu à mort avec un marteau. Quelques mois plus tôt, un tabloïd avait publié sa photo, sous ce titre: “Pendez-les”.

– Cadeux de Noël –

Kasha Jacqueline Nabagesera a eu l’idée du magazine en 2013. Quand elle a lancé un appel à contributions sur Facebook, elle a reçu plus de 500 histoires. Le financement du magazine est lui participatif.

Huit Ougandais ont confectionné le premier numéro. Des bénévoles étrangers ont aussi participé à la mise en place d’un site internet, www.kuchutimes.com, plateforme pour la communauté LGTB au-delà même de l’Ouganda, à l’échelle du continent africain.

“Nous avons eu beaucoup de soutien à travers le monde”, dit la jeune femme.

Le premier numéro de Bombastic est sorti en décembre, alors que les députés parlaient de relancer la nouvelle loi antigay, en guise de cadeau de Noël.

“Alors nous avons dit, offrons-leur, nous, un cadeau de Noël”, poursuit la militante.

Au total, 15.000 exemplaires ont été imprimés, et offert à des lecteurs improbables.

“Nous avons apporté de nombreuses copies au Parlement, dans les bureaux du gouvernement, partout”, raconte-t-elle.

Elle-même a déposé un exemplaire dans les casiers de députés, celui de David Bahati, l’auteur de la très controversée loi antigay de l’an dernier, ou celui de la présidente du Parlement, Rebecca Kadaga, féroce partisane de la législation.

Elle en a aussi remis un au président ougandais Yoweri Museveni

Aucune personnalité politique n’a encore réagi, glisse-t-elle. Mais elle a entendu dire que “la femme du président a refusé de même ouvrir” le magazine. La revue a aussi été distribuée aux églises, aux médias, aux moto-taxis à travers tout le pays, grâce à un réseau de 138 bénévoles. “Les gens veulent participer au projet”, affirme-t-elle.

Le Red Pepper, important tabloïd du pays, qui avait publié l’an dernier une liste des “principaux homos” d’Ouganda, a été le premier média servi. “Ils ont refusé d’écrire quelque chose sur (le magazine), ils étaient en colère bien sûr, parce que dans mon introduction, je tape sur les média”, dit la jeune femme.

Bombastic a fait un tabac, assure-t-elle. Mais dans l’est et l’ouest du pays, des copies du magazine ont été brûlées. Des distributeurs ont reçu des menaces.

Kasha Jacqueline Nabagesera a été menacée de poursuites après le dépôt d’un numéro dans une église.

D’autres lui ont dit qu’ils espéraient qu’elle “se fasse renverser par une voiture”

Le ministre ougandais de l’Ethique et de l’Intégrité, Simon Lokodo, l’a même menacée d’arrestation, pour “promotion” de l’homosexualité. La menace restera cependant en l’air tant qu’une nouvelle loi n’aura pas été votée.

Mais Kasha Jacqueline Nabagesera refuse de se laisser intimider. Si les ressources humaines et financières suivent, elle espère publier d’autres numéros de son magazine, et pour l’instant tirer des exemplaires supplémentaires du premier numéro.

“Ce que nous souhaitons, espérons, c’est qu’en lisant ne serait-ce qu’une histoire, les gens changent d’attitude”, confie-t-elle.

Nous avons décidé de soutenir ce projet en tant qu’association et vous pouvez également nous rejoindre dans cette initiative par vos dons.

>> The writers, activists, and poets behind Bombastic, a new magazine published by and for LGBTI Ugandans, are bringing real stories, commentaries, and poems by gay, lesbian, bisexual, transgender, and intersex people in Uganda to its people.

The editor is Kasha Jacqueline Nabagesera, arguably the country’s most prominent out lesbian, who was personally motivated to combat both tabloid and political antigay propaganda, as she and her community have been frequent victims of both.

“They would target me a lot, they would cook up stories — how I’m getting married. … I’m training people to become lesbians,” Nabagesera told Agence France-Presse. The 34-year-old Nabagesera told AFP she had been attacked and evicted “so many times” because of media coverage about her sexuality.

“They were writing about ‘secrets inside the lesbian’s den,'” recalled Nabagesera.

The 72-page glossy magazine, which bears a title that is a nickname Nabagesera herself often goes by, is published privately and distributed for free. Its purpose is to “speak for the many voiceless,” wrote Nabagesera in her editor’s letter.

She says she and her contributors are “proud” of their sexuality and identity. Nevertheless, some of the writers featured in Bombastic use pseudonyms for their own protection from laws that criminalize their homosexuality and its so-called promotion.

“People have lost housing, jobs, families,” Nabagesera told AFP. “One colleague was beaten in broad daylight after appearing in the newspapers.”

Nabagesera told AFP the national media played what she called a “big role” in the intimidation and harassment of LGBTI people, naming and shaming them with increasingly frequency since Uganda’s Parliament first considered the infamous “Kill the Gays” bill in 2009.

It was in 2011 that Nabagesera’s close friend, gay activist David Kato, was beaten to death with a hammer. Just a few months earlier, a Ugandan tabloid newspaper published his picture under a banner reading “Hang Them.”

Beginning in 2013, Nabagesera was one of a dozen LGBTI Ugandans who worked with The Advocate to compile a photo essay that shared firsthand stories from these diverse individuals. Although the article received several awards — including a 2014 GLAAD Award for Oustanding Digital Journalism, Multimedia — editors with this publication took the story offline after Ugandan tabloid Red Pepper plagiarized the story wholesale, splashing a headline on the front page reading “Uganda’s Top Gays Speak: How We Became Homos.”

The routine nature of such harassment prompted Nabagesera to start seeking stories for Bombastic in 2013. She told AFP her Facebook inbox was soon flooded with over 500 contributions. Funding for the printing came from crowd-funding.

Nabagesera recruited an editorial team of eight Ugandans to complete the debut issue in December. With free help from foreigners, they also launched a website, Kuchu Times, which Nabagesera said attracts so many visitors that it is “almost crashing every two days.”

“We got a lot of support from around the world,” said Nabagesera.

Last December she issued a press release announcing a campaign she dubbed “Reclaiming the Media,” and with it the launch of Bombastic. “The objective of this campaign,” she wrote, “is to end violence against lesbian, gay, bisexual and transgender people countrywide.”

Reclaiming messaging from antigay lawmakers — who had promised a new antigay law as a “Christmas gift” to Ugandans after the “Jail the Gays” law was overturned on a technicality in August — Nabagesera and her supporters published their first issue.

“We give you Bombastic Magazine as a gift to you all this Christmas,” Nabagesera said in the press release. “We share our lived realities in the hope that they will inspire many people who have been filled with hate from politicians and religious leaders seeking political power and cheap popularity.”

She and more than 130 volunteers then distributed the magazine across the country and into some unlikely hands, including to Uganda’s Parliament, president, and other politicians, as well as churches and media outlets.

Nabagesera says Bombastic has been a “big hit,” allowing her to attract correspondents in every country across the African continent. She told AFP the magazine’s two phone lines ring off the hook.

But there is still a lot of opposition. Copies in some eastern Ugandan shops have been burned, and distributors in the west have been threatened. Nabagesera says she herself was threatened with legal action after one issue was delivered to a church. And Uganda’s ethics minister warned Nabagesera she is at risk of arrest for “promoting homosexuality.”

But she refuses to knuckle under in the face of those threats, even one endangering her life — some have wished “a car could knock you down,” she told AFP.

But Nabagesera remains steadfast. “It is our wish, our hope, that if people read just one story, it changes their attitude,” she said.

Her mission remains to “stand up and fight for others who don’t have the support.”

avec l’AFP